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Moratoire sur les expulsions : un mécanisme bienvenu, mais très insuffisant

Vu le contexte de pandémie, les expulsions de logements sont apparues plus inacceptables encore que dans le « monde d’avant ». Le gouvernement bruxellois y a répondu en les interdisant mais de façon un peu erratique.

Le Rassemblement pour le droit à l’habitat (RBDH) appelle à une action politique plus ambitieuse
Le Rassemblement pour le droit à l’habitat (RBDH) appelle à une action politique plus ambitieuse

Le quatre novembre dernier, dans le cadre des pouvoirs spéciaux qui lui ont été à nouveau conférés, le gouvernement bruxellois prenait pour la cinquième fois depuis le début de la pandémie (en comptant les prolongations, avec une interruption en septembre et octobre) un arrêté de police « interdisant provisoirement les expulsions domiciliaires ».

Un arrêté dûment motivé

Outre, évidemment, « la situation épidémiologique grave », l’arrêté instaurant le moratoire sur les expulsions locatives en Région bruxelloise relève :
– « que la santé publique doit être préservée avec une attention particulière pour les personnes les plus fragilisées et précarisées qui risquent de se retrouver à la rue sans solution pérenne de relogement »; « […] que l’interdiction temporaire des expulsions domiciliaires se justifie dès lors pleinement en ce qu’elle est de nature à diminuer les contaminations et de nature à protéger les Bruxellois les plus précarisés en les maintenant dans leur logement »; « […]que sont visées par l’interdiction, les expulsions de domicile ou de résidence à défaut de domicile sur le territoire belge;
– « que la période hivernale augmente encore le risque pour la santé publique et celle des personnes précarisées en particulier »;
– « qu’en application du Code judiciaire, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de reporter l’exécution d’une décision d’expulsion »; « que cette faculté n’est bien souvent octroyée qu’à la demande de la partie défenderesse »; « qu’une décision d’expulsion sur deux en matière de bail d’habitation est prononcée par défaut; que cette proportion est supérieure en matière d’occupation sans droit ni titre » [en clair, les squats ou les habitants non déclarés]

Une limite (au propre comme au figuré) regrettable et saugrenue

Lors de son instauration, le nouveau moratoire courait donc jusqu’au 13 décembre 2020. Une durée qui nous semblait, ainsi qu’à l’ensemble de l’associatif concerné, pour le moins étrange. En effet, un des motifs invoqués, tant par l’arrêté que par la ministre, est la plus forte contamination en hiver… Or, on ne sache pas que celui-ci s’achève à la mi-décembre. Au contraire, il n’est pas rare que les records négatifs affichés par le thermomètre soient enregistrés en janvier et en février.

Evidemment, cet étrange délai s’expliquait tout simplement parce que le 13 décembre était la date de fin (provisoire) des mesures décidées par le comité de concertation. Ce terme n’en restait pas moins problématique, les inquiétudes portant évidemment sur le calendrier ultérieur. Certes, on savait que les mesures de confinement, et dans ce cadre, de fermeture partielle des services, seraient certainement prolongées, et en conséquence, que le moratoire le serait également. Et, de fait, le 11 décembre, celui-ci l’a été jusqu’au 15 janvier. Toutefois, c’est un risque qui inquiétait légitimement les défenseurs du droit au logement, car, avant que le nouvel arrêté n’entre en vigueur, les expulsions pouvaient reprendre dès le 14 décembre. On sait que déjà à la fin du premier confinement, des procédures en ce sens avaient été réamorcées dès le lendemain de sa levée. Il aurait donc été invraisemblable – et inadmissible – que la machine à expulser soit relancée durant cette courte parenthèse.

Un talon d’Achille, préjudiciable aux plus faibles
C’est pourquoi les associations actives sur ce terrain avaient plaidé, en vain, pour que le moratoire prenne fin au plus tôt le 1er mars, soit après la fin de la trêve hivernale – qui, pour rappel, en Belgique au contraire de la France, ne vaut que pour le logement social (donc même pas pour tout le logement public). Et cela, même (et a fortiori) si les procédures auraient peu de chances d’aboutir « dans les temps », comme le souligne d’ailleurs le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires lui-même. Ce qui, outre le stress inutile et pénible pour les locataires visés, et les frais extras qui leur seraient sans doute ensuite facturés, constituerait un invraisemblable gaspillage de temps et d’agent pour l’institution judiciaire. En conclusion, si ce maigre « sursis » est donc une bonne chose, il ne fait que reporter le problème d’un mois, et on ne comprend pas pourquoi le gouvernement n’a pas profité de cette nouvelle prolongation pour lui donner un terme plus sérieux et sécurisant. A l’image par exemple de l’Allemagne, qui, depuis le mois d’avril et jusqu’en juin 2021, a proscrit toute expulsion pour cause d’arriérés de loyer liés à une perte de revenus suite à la crise sanitaire.

Il faudra donc rester vigilants quant à cette menace, aussi mince soit-elle, de création d’un tel « intervalle » dès la mi-janvier, qui provoquerait une totale insécurité juridique pour les locataires en instance d’expulsion suite à un défaut de paiement. Une action en ce sens s’impose d’urgence, pour que le gouvernement bruxellois s’engage à proroger la mesure, comme ce fut le cas en décembre. Et cela, non seulement avant le 15 janvier… mais aussi et surtout, cette fois, bien au-delà d’un simple mois de « rallonge », totalement insuffisant, et à tout le moins jusqu’au printemps.

Le souci affirmé pour les plus vulnérables

Des constats et observations qui témoignent clairement du souci de protection des personnes socio-économiquement défavorisées – y compris dans leur relation avec la justice, où celles-ci sont objectivement en situation de faiblesse et se font très souvent condamner par défaut, et plus encore quand il s’agit d’occupants « irréguliers » du logement. A ce propos, on peut aussi noter que, cette fois-ci l’arrêté parle bien des expulsions « de domicile ou de résidence »… ce qui répond à l’un des soucis exprimés par le milieu associatif défendant le droit l’habitat et les locataires.

… même légalement « en défaut »

Car lors du premier moratoire, cet ajout ne figurait pas dans le texte de loi, et de ce fait, les avocats des bailleurs ont souvent réussi à obtenir des juges une interprétation très restrictive de la notion de domicile (on parle bien d’expulsion « domiciliaire » dans l’arrêté), en prétendant que n’étaient pas concernées les personnes non domiciliées : on songe évidemment aux squats (lire l’encadré), mais aussi aux sans domicile fixe hébergés momentanément chez un tiers. Une précision précieuse, donc, permettant désormais d’éviter cette échappatoire abusive. Les législateurs poursuivent en soulignant que « s’agissant d’une mesure sanitaire visant à limiter la propagation du COVID-19, il est nécessaire qu’elle s’applique instantanément et uniformément à l’ensemble des décisions d’expulsion, judiciaires et administratives », soulignant ainsi le caractère urgent et impérieux de la mesure. Mais ils rappellent aussi naturellement que « le loyer ou une indemnité d’occupation forfaitaire ou correspondant à l’état du bien reste due pendant la période temporaire d’interdiction de l’expulsion » et que « les expulsions motivées par un péril grave et imminent pour la sécurité publique et/ou pour ses habitants, non compatibles avec la date du 13 décembre, restent possibles » ainsi que « les décisions d’expulsions urgentes prises notamment pour des raisons intrafamiliales telles que les violences conjugales ». Tout en spécifiant que, dans ce cas, « les motifs de péril imminent doivent être constatés dans la décision ordonnant l’expulsion ». Enfin, ils concluent leur argumentation en estimant que « ainsi encadrée » […] « la mesure d’interdiction est limitée et proportionnée ».

Au-delà du moratoire

Un moratoire prolongé par petites périodes, quand on aurait espéré une vraie trêve hivernale
Un moratoire prolongé par petites périodes, quand on aurait espéré une vraie trêve hivernale

Face aux critiques et aux revendications du secteur social et associatif, et à l’appel pressant à l’action qu’il avait adressé au gouvernement régional, Nawal Ben Hamou (PS), la secrétaire d’Etat notamment en charge de cette compétence, a répondu sur les ondes de BX1 par toute une série d’annonces ambitieuses. A commencer par l’amélioration du système d’allocation loyer, dispositif qui ne fait toutefois pas l’unanimité au sein du secteur associatif, certains y voyant une manière de financer en fait les bailleurs, et/ou un risque d’un effet d’aubaine et de cercle vicieux, incitant ceux-ci à relever d’autant les loyers de leurs biens.

Mettre les bouchées doubles
Plus globalement, la ministre informe de son intention de lancer un vaste plan en matière de logement, doté d’un budget de 500 millions d’euros, dont 170 spécifiquement pour une nouvelle politique du logement social, « soit près de cinq fois le budget octroyé sous la précédente législature », tient-elle à préciser. Une manne destinée à impulser toute une série de « mesures structurelles », avec la volonté déclarée de résorber à marche forcée l’énorme retard pris dans la construction ou la rénovation de logements sociaux, afin de faire baisser drastiquement la durée des listes d’attente. Lesquelles, pour rappel, se prolongent entre 8 et 10 ans, et comptaient au début de septembre 49.135 ménages-demandeurs, représentant en tout 128.270 personnes – soit 10,5% de la population selon les propres chiffres du ministre-président Rudi Vervoort (PS). Près de 900 nouvelles demandes ont été introduites depuis le début de la pandémie.

Une autre proposition de Nawal Ben Hamou, qu’elle avait déjà formulée à la mi-septembre, a reçu un accueil a priori favorable des CPAS bruxellois : le fait que ceux-ci soient systématiquement présents aux audiences communes de la justice de Paix statuant sur le sort des locataires de leur commune menacés d’expulsion. Une solution qui devrait leur permettre « d’être en contact direct avec le locataire défaillant et de lui proposer éventuellement une prise en charge du paiement partiel ou total de sa dette ou, encore, de se porter garant du respect du plan d’apurement afin d’éviter l’expulsion ».

Des difficultés mieux prises en compte
Un discours aux accents résolument sociaux, qui offre un heureux contraste avec les déclarations de la secrétaire d’Etat lors de la fin du précédent moratoire, le 31 août dernier. A l’époque, celle-ci justifiait cette levée de l’interdiction des expulsions en invoquant la moindre gravité de la crise sanitaire, et le fait que le port du masque permettait aux locataires concernés d’aller sans craindre pour leur sécurité chercher de l’aide auprès des organismes sociaux (1), ajoutant par ailleurs qu’ils avaient déjà eu un laps de temps suffisant pour le faire. Une suspension et des déclarations qui avaient suscité une levée de bouclier du secteur social, et plus particulièrement des associations luttant pour le droit au logement et l’aide aux sans abri (2), craignant une explosion des expulsions locatives dans les semaines suivant la date butoir fatidique, fixée par l’arrêté de police pour la levée de leur interdiction.

Deux mois plus tard, au micro de BX1, Madame Ben Hamou a expliqué que si elle avait plaidé au sein de la majorité bruxelloise pour la reprise du moratoire, c’était d’une part suite au rebond de la crise sanitaire, la Région bruxelloise étant en état d’alerte maximum, et d’autre part car les conditions hivernales favorisaient la contamination, excluant encore plus de mettre les gens à la rue. Elle a toutefois insisté sur le fait que les loyers restaient dus, et que les personnes concernées par les procédures d’expulsion devaient s’adresser au plus vite aux CPAS, afin de bénéficier des mesures financées par la Région pour aider les locataires en détresse. Enfin, à la question de savoir si le moratoire s’appliquait aussi aux occupants de logements non domiciliés à cette adresse, et singulièrement des squats, Nawal Ben Hamou a confirmé explicitement que ces derniers bénéficiaient également de la mesure.
Les CPAS à la rescousse
De son côté, la fédération bruxelloise des CPAS se félicite d’un tel plan d’aide renforcé. D’autant que, pour une fois, les moyens ne manquent pas : au subside régional se rajoute en effet celui du fédéral, sans compter les possibilités existantes via le Fonds gaz/électricité. Toutefois, ces aides étant du ressort des CPAS, au niveau local, tout dépendra des conditions que les uns et les autres mettront à l’octroi de ces aides, en sus des modalités définies par les autorités subsidiantes. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre, les CPAS ne devraient intervenir que si le bailleur renonce à l’expulsion : l’objectif n’étant évidemment pas d’indemniser des propriétaires intraitables et décidés à faire « déguerpir » leurs locataires coûte que coûte.

(1) « La piste du gouvernement bruxellois pour lutter contre les expulsions domiciliaires », La Dernière Heure, 17 septembre 2020.
(2) Lire notamment sur le site www.infirmiersderue.bele le billet satirique d’un intervenant de première ligne, adressé fictivement à un futur expulsé de sa connaissance, et lui indiquant le chemin de croix kafkaïen auquel il devait se confronter, s’il voulait suivre les recommandations de la ministre et tenter de trouver une aide en vue de son relogement.

Le contenu de l’arrêté

Au terme de ces nombreuses considérations, l’arrêté stipule donc, dans son premier article : « Est interdite jusqu’au 13 décembre 2020 [NDLR : prolongé ensuite jusqu’au 15 janvier 2021, voir encadré] inclus toute expulsion domiciliaire à l’exception des expulsions justifiées par un péril grave et imminent pour la sécurité publique incompatible avec cette date », et dans son deuxième que « Les autorités administratives compétentes sur le territoire de l’Agglomération bruxelloise, sont chargées de l’exécution du présent arrêté », en prenant le soin de préciser que « Les forces de police sont chargées de veiller au respect du présent arrêté, au besoin par la contrainte et /ou la force ». On pourrait difficilement être plus clair… Cet arrêté a été salué unanimement par les associations défendant le droit à l’habitat, et plus particulièrement les droits des locataires. Toutefois celles-ci pointent une grande faiblesse de ce dispositif. A savoir, le fait qu’il s’agit d’une mesure d’urgence certes indispensable, d’ailleurs réclamée à cor et à cri par les associations actives sur le terrain depuis le 1er septembre (date de la fin du précédent moratoire), mais bien trop ponctuelle, et n’offrant aucune perspective à plus long terme, ni aucune amorce de solution sur le fond du problème.

Une mesure d’urgence indispensable, mais bien trop ponctuelle

Appel à une action politique préventive et volontariste

Alors que, pourtant, la crise du logement à Bruxelles demeure une réalité depuis plus de trente ans, le « marché » locatif accusant en permanence un manque criant de logements disponibles a fortiori à un prix abordable, qui ne fait que s’accentuer d’année en année. Le nombre de procédures d’expulsion domiciliaire introduites chaque année s’élève à ± 5.000, selon le Rapport 2018 de l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale (1) et celui d’expulsions pures et simples consécutives à au moins 600, toujours d’après la même source. Ce qui constitue sans aucun doute le symptôme le plus évident de ce drame social, mais n’est que la pointe de l’iceberg d’une problématique bien plus vaste et préoccupante.

La machine à expulser risque d’être relancée dès la fin de chaque moratoire
La machine à expulser risque d’être relancée dès la fin de chaque moratoire Crédit : www.stopexpulsions.be

Aussi, au-delà de l’actuelle crise sanitaire, l’ensemble du secteur associatif et social plaide pour une action politique bien plus ambitieuse et résolue, sous la forme d’un véritable plan volontariste et contraignant, permettant d’assurer dans les prochaines années l’effectivité d’un droit fondamental, affirmé par la Constitution (2). C’est notamment le sens de deux analyses récemment publiées par le Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat, comme de la carte blanche publiée par la Fédération des services sociaux le 31 août dernier, où celle-ci suggère toute une série de pistes, dont nous ne retiendrons ici qu’une des plus nouvelles et originales : la création d’un Fonds public régional d’arriérés de loyer.

Assurer dans les prochaines années l’effectivité d’un droit fondamental

La Wallonie emboîte le pas…

Dans la foulée de la publication de l’arrêté bruxellois, la Région wallonne a publié le 6 novembre 2020 son propre texte de loi sur le même sujet. A leur lecture comparée, la similitude est frappante, des parties entières étant de parfaits « copiés-collés » (ce qui est plutôt réjouissant, dans un pays ou l’asymétrie commence fâcheusement à prendre le pas entre Régions, même parfois francophones), mais à quelques différences – ou plutôt ajouts – près, dont certains méritent aussi qu’on les cite largement.

En effet, dans les « considérants » introduisant le texte de loi, on retrouve notamment une phrase soulignant que « … durant cette crise sanitaire, il convient de prendre toutes les mesures afin d’éviter que des expulsions conduisent des ménages à se retrouver sans domicile fixe ou à se loger de manière urgente chez des relations et donc à se rassembler au sein d’un même logement », des développements utiles quant aux motivations à la fois sociales et sanitaires de la mesure. Tout comme le fait que « la situation sanitaire exige que la suspension des décisions d’expulsion puisse aussi s’appliquer au ménage qui n’accepte pas de suivre une guidance auprès du centre public d’action sociale ». Et cela, quand bien même cela contrevient momentanément à d’autres dispositions du Code wallon de l’habitation durable, en raison de la priorité à accorder au droit quasi inconditionnel à conserver un toit (sauf les exceptions pour cause de péril grave et imminent déjà citées), vu les risques de contamination.

Des précisions « évidentes », mais néanmoins bien utiles
Mieux encore, l’arrêté précise que « pour les expulsions physiques domiciliaires réalisées sans droit ni titre » – en clair, celles pratiquées de manière « sauvage » par certains propriétaires peu scrupuleux – « il est important de donner aux forces de police les moyens d’y mettre fin sans délai », et précise sans ambiguïté que « la suspension de l’exécution des décisions d’expulsion vise tant les décisions déjà prises et dont l’exécution est imminente que les décisions futures qui pourraient être prises durant le confinement ». Un rappel à la loi impératif et, le cas échéant, assorti de « mesures de police », qui fait d’autant plus plaisir que, une fois n’est pas coutume, ce sont les plus faibles que l’on veut ici protéger de l’abus de pouvoir de la « partie » structurellement avantagée.

Last but not least, l’arrêté relève que « l’activité des agences immobilières est impactée par l’interdiction d’accueillir du public et d’organiser des visites de logement en vue d’une location ou d’une vente durant la période de confinement et que l’accès aux différents services sociaux en vue d’obtenir un logement peut être rendu difficile ». Et il en conclut qu’ « il est donc nécessaire de prévoir la possibilité d’une prolongation de la période de suspension, afin […] de prévoir une période tampon entre la fin du confinement et la fin de la suspension de l’exécution des décisions d’expulsion, afin de permettre aux différents acteurs disposant d’une offre de logement de se remettre en ordre de marche, de permettre des visites de logement et donc de permettre aux familles concernées de trouver une offre de relogement ».

Des constats qui peuvent sembler évidents, mais comme toujours, a fortiori dans de tels textes légitimant des mesures aussi radicales qu’essentielles, si « cela va sans dire »… cela va encore mieux en le disant !

En finir avec les rustines...

Un organisme qui procéderait au remboursement des loyers impayés, partiellement ou totalement en fonction des revenus respectifs des propriétaires et des locataires concernés, mais strictement dans les limites du « loyer raisonnable ». Lequel serait fixé dans une grille indicative par la future Commission paritaire locative, organe de concertation des organisations représentatives des propriétaires et des locataires, devant en principe être prochainement instituée. Un projet sur lequel nous reviendrons dès que sa mise sur pied se dessinera plus concrètement.

Le SNPC fait montre d’une « compréhension »… pour ses intérêts bien compris

Le front anti expulsions réclame le relogement des ménages expulsés
Le front anti expulsions réclame le relogement des ménages expulsés

Au micro de Fabrice Grosfilley sur BX1, la secrétaire d’Etat Ben Hamou (PS) a déclaré que lorsqu’elle a informé le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires de la reprise du moratoire sur les expulsions, celui-ci s’était montré « très compréhensif » – même s’il s’inquiétait pour ses membres les plus modestes dont la perception du loyer de leur bien était indispensable comme revenu complémentaire (air connu). Une vision qui nous semble pour le moins optimiste…

Car quand on lit le communiqué du 25 août publié par le SNPC, on est une fois de plus (1) très loin d’une telle « compréhension » ! Celui-ci incrimine en effet « l’incurie des CPAS » (sic), dont les propriétaires feraient les frais, et rappelle qu’il avait introduit un nouveau recours au Conseil d’État contre la prolongation du moratoire en juillet et en août. Sur sa lancée, il en profite pour décocher une flèche empoisonnée et bien démagogique à l’adresse du gouvernement bruxellois, en « saluant » comparativement l’arrêté du 11 mai de la Région wallonne, laquelle ferait preuve d’une « bien meilleure appréhension de la situation qu’en région bruxelloise » (citation textuelle). En l’occurrence, le fait qu’à l’époque, l’arrêté wallon considérait que « une période de trois semaines doit permettre aux ménages concernés de prendre les contacts nécessaires afin de trouver une offre de logement » (re-sic).

Par ailleurs, l’organe corporatif des bailleurs reprend également son refrain sur les locataires mauvais payeurs, et ce « bien avant le Covid », en ajoutant que, les justices de Paix ayant été fermées entre la fin mars et fin mai, « il n’y a pas eu de jugements » durant cette période, et que, dès lors, les derniers remont(ai)ent donc à la fin de l’an passé. En conséquence de quoi, les locataires « fautifs » n’auraient pas d’excuse, puisqu’ils auraient eu tout le temps de prendre les devants. D’autant plus, poursuit le SNPC, que « le temps que les huissiers s’organisent et obtiennent le concours des autorités communales, il faudra des semaines, sinon des mois… », les locataires « indélicats » ne risqueraient pas d’être demain à la rue… Par contre, s’il faut en croire le lobby des proprios, au total, leur manque à gagner pourrait aller jusqu’à se solder par « un an de pertes de loyers […], irrécupérables » si, comme souvent, les « coupables » s’avéraient insolvables…

En guise de conclusion, le communiqué en remet une couche sur (enfin, contre) les CPAS, qui, dans certains cas, seraient avertis « depuis 9 à 12 mois » de ces procédures et n’auraient pourtant rien fait, « alors qu’ils avaient largement le temps de s’organiser depuis mars »… Ce qui serait d’ailleurs « constaté par les huissiers », lesquels se plaindraient de plus de l’absence massive de ceux-ci lors des expulsions, etc., etc. A l’issue de ce plaidoyer pro domo, propre à faire pleurer dans les chaumières, mais tenant surtout du réquisitoire tous azimuts, on se dit qu’il faudrait de toute urgence lancer un « Viva For Life » bis, mais cette fois pour les propriétaires-rentiers nécessiteux. Qu’attend donc la RTBF ?

(1) Sur le discours indécent du SNPC, se présentant quasi comme une des principales victimes de la crise sanitaire, lire Ensemble ! n° 102 p. 20.

(1) Les rapports de l’Observatoire sont disponibles sur son site.

(2) Voir notamment la brochure publiée en 2014 par l’Union des locataires des Marolles, l’Union des locataires de Saint-Gilles, le Syndicat des Locataires de logements sociaux et la Ligue belge des droits humains.

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