L’exclusion par la pollution électromagnétique

Thomas Gérard (CSC) : « Nous sommes bloqués par la non-reconnaissance politique et scientifique du problème »

Les syndicats jouent un rôle important dans la défense des droits des travailleurs en entreprise, notamment concernant les risques sanitaires. Rencontre avec Thomas Gérard, conseiller en prévention à la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien.

Thomas Gérard
Thomas Gérard, conseiller en prévention à la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien

Les questions de sécurité au travail sont cruciales pour les organisations syndicales, elles doivent être au cœur de leurs préoccupations, et les délégués syndicaux, eux, sont en première ligne pour constater les problèmes sur le terrain. Logiquement, ils sont susceptibles d’être en contact avec des personnes électrosensibles en difficulté, en souffrance, au contact des technologies installées par l’employeur. Dans notre état des lieux sur l’exclusion par la pollution électromagnétique, plusieurs témoins ont évoqué leurs rapports avec des représentants syndicaux, pour nous livrer des informations, disons, « contrastées ». (Lire l’encadré)

Suite à la publication de notre étude, nous avons pu recevoir une oreille bienveillante de certains acteurs syndicaux, désireux de recevoir la brochure reprenant les différents dossiers. (Lire l’encadré) Nous avons cependant constaté une relative faiblesse de la connaissance du sujet, la brochure jouant parfois le rôle de « prise de conscience » d’un véritable enjeu sanitaire, en supplément d’informations éparses entendues dans les médias. Certains évoquent que « personne chez nous ne travaille sur cette question », d’autres se retranchent derrière un « sujet controversé » ou un « manque de preuves » pour justifier le manque d’intérêt syndical. D’autres fois, cependant, un représentant syndical a pu être confronté directement à un problème d’électrosensibilité en entreprise…

Nous avons évoqué la situation d’un ouvrier, au travail sur une machine vérifiant des pièces métalliques à l’aide de rayonnements électromagnétiques. Après des années de travail à ce poste, il a développé les symptômes du syndrome des micro-ondes, parmi d’autres problèmes de santé, tous signalés aux représentants des travailleurs et à l’employeur. La bienveillance minimale n’a pas toujours été au rendez-vous, certains diront en effet au travailleur que « tout se passe dans sa tête ». « Cela devenait clairement physiquement intenable, mais on ne me répondait pas… Je voulais comprendre, donc j’ai cherché à lire le mode d’emploi de la machine. Je l’ai trouvé dans une armoire, une énorme brique. J’ai très vite compris que les consignes de sécurité n’étaient pas du tout respectées. Normalement sur ce genre de machine, dans une usine classée « Seveso » (1), il aurait dû y avoir un panneau spécifique, on aurait dû me faire lire le mode d’emploi, me former à son utilisation, etc. Il n’y a jamais rien eu. » (2) Suite à son évocation de ces graves manquements, il a été conseillé au travailleur de ne pas en parler à l’extérieur de l’entreprise, en attirant son attention sur la « fragilité » d’un contrat de travail… Et, sans doute, de sa poursuite en cas de « remous » ».

« Outre l’électrosensibilité, j’ai été empoisonné aux métaux lourds – cuivre et strontium – dégagés par la machine, je suis devenu stérile et j’ai des séquelles irréversibles au cerveau », nous signale encore récemment ce travailleur. Après une période éprouvante, il a finalement cessé toute démarche pour faire valoir ses droits, dégoûté, suite aux contacts établis avec la médecin-experte désignée par le tribunal du travail. Il résume son état d’esprit en ces termes : « Je suis face à un mur avec cette médecin, de plus elle s’exprime de manière hautaine et prétentieuse, elle se moque de moi et je suis enragé de la situation, il vaut mieux éviter encore une confrontation… » À sa description de l’électrosensibilité, la médecin avait répliqué : « C’est une légende urbaine, tout ça… ». L’aléatoire règne donc à tous les étages, parmi les médecins généralistes, les médecins conseils des mutuelles mais aussi, nous le voyons, au niveau des médecins expertes désignées par les tribunaux. Nous avons rapporté le témoignage détaillé d’une dame au sujet du même type de démarche au tribunal du travail : la juge a cette fois suivi le rapport positif d’une médecin experte. L’issue de cette procédure a permis l’accès à des revenus de remplacement, vu l’impossibilité d’encore fréquenter les installations technologiques du lieu de travail. (Lire l’encadré )

L’aléatoire règne à tous les étages, parmi les médecins généralistes, les médecins conseils des mutuelles mais aussi au niveau des médecins expertes désignées par les tribunaux

Désireux de faire reconnaître les manquements de sécurité vécus, les conséquences pour sa santé, et le droit à d’éventuels revenus de remplacement, ce monsieur a donc abandonné le combat. À une étape de la procédure, il a trouvé une oreille attentive à la Confédération des syndicats chrétiens (CSC). Nous avons rencontré Thomas Gérard, conseiller en prévention à la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien. Il nous parle d’électrosensibilité et des difficultés, pour les travailleurs et les syndicats, à faire reconnaître les maladies professionnelles, a fortiori lorsqu’il s’agit de « maladies émergentes ».

Ensemble !: Quelle est votre fonction ?

Thomas Gérard : Je suis conseiller en prévention de niveau 2, à la fédération de la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien. Je donne également des formations sur les matières « bien-être » aux délégués CPPT (Comités pour la prévention et la protection au travail) en entreprise. Tous les élus CSC au CPPT passent donc par moi et mon équipe pour être formés sur ces matières, parmi lesquelles nous trouvons bien entendu les questions de santé et d’hygiène au travail. Par ailleurs, je suis membre d’un groupe à l’appellation un peu pompeuse d’« experts bien-être », dans lequel nous nous intéressons aux actualités du bien-être au travail. Dans ce cadre nous accompagnons les équipes syndicales des entreprises, lorsque se posent des questions spécifiques sur les lieux de travail. Je réponds à leurs questions et je peux me rendre au CPPT de l’entreprise, pour livrer des renseignements complémentaires à l’employeur. C’est donc un élément important : je suis beaucoup sur le terrain.

Tous les élus CSC au CPPT passent par moi et mon équipe pour être formés sur les matières santé et d’hygiène au travail

En outre, nous sommes soutenus par une équipe nationale qui siège au Conseil supérieur de la santé, au Conseil national du travail, et dans d’autres organismes de ce type. Cette équipe peut également participer à des réunions inter-cabinets ministériels. Pour prendre un exemple, nous sommes parfois consultés pour les « matières bien-être » par Pierre-Yves Dermagne, ministre du Travail et de la concertation sociale, ou par le ministre Vandenbroucke pour les matières liées à la santé. Pour résumer : ma mission est très localisée, mais je m’inscris dans une dynamique nationale. J’en suis le dernier maillon en lien avec le terrain, juste avant le délégué présent au quotidien dans l’entreprise. Sur les seules matières CPPT, je vois en moyenne 150 délégués chaque année.

Comment avez-vous été confronté à la question de l’électrosensibilité ?

La question de l’électrohypersensibilité est selon moi symptomatique d’un problème plus global, lié à la non-reconnaissance des maladies émergentes. Le sujet m’est apparu lors d’une campagne sur « les champs électromagnétiques en entreprise », menée il y a une petite dizaine d’années en compagnie d’un collègue compétent pour les matières environnementales. Avec un groupe de délégués, nous avons mené un petit cycle de formation à ce sujet, pour lequel nous avons contacté des experts scientifiques et académiques. Cette campagne se situait juste avant la sortie de la Directive européenne sur les champs électromagnétiques et les niveaux d’exposition maximale. (3) Je signale cependant un pur hasard du calendrier, les deux événements étant totalement distincts.

La question de l’électrohypersensibilité est selon moi symptomatique d’un problème plus global, lié à la non-reconnaissance des maladies émergentes

Par nos contacts en entreprise, nous voulions investiguer si des personnes avaient développé des pathologies au contact de ces champs. Nous ne sommes évidemment pas scientifiques, ni experts sur le sujet, donc pour avancer nous voulions disposer des éléments les plus objectifs possibles. Nous voulions nous baser sur une preuve scientifique, pour ensuite donner une ampleur au problème. Nous avions été en contact avec un professeur honoraire de l’UCL, porteur d’une vision très progressiste sur le sujet. Au cours de sa carrière, sans arriver à une « preuve irréfutable », il avait établi des liens et corrélations entre les rayonnements électromagnétiques de hautes fréquences et une série de problèmes de santé. C’est à dire qu’il avait largement dépassé le stade des simples « soupçons », notamment en rencontrant de nombreuses personnes électrosensibles. Nous avions également un autre expert, plus nuancé, évoquant en substance : « Sans doute y a-t-il des effets sanitaires, mais quoi exactement ? Pour le moment nous ne savons pas le décrire avec précision… » Notre démarche, malheureusement, s’est arrêtée. Nous pourrions longuement discuter de cette notion de preuve, bien entendu, mais nous avons dans ce cadre buté sur ce problème de la preuve scientifiquement irréfutable. (4) Honnêtement, nous étions très frustrés.

Nous pourrions longuement discuter de cette notion de preuve, bien entendu, mais nous avons dans ce cadre buté sur ce problème de la preuve scientifiquement irréfutable

Malgré la situation, nous avons travaillé sur le texte de la Directive européenne. Très vite, au sujet de l’exposition aux champs électromagnétiques, nous avons pu établir des « similitudes » avec les processus de reconnaissance d’autres problèmes de santé auxquels nous sommes confrontés. Prenons l’exemple des perturbateurs endocriniens : l’idée de « dosage » ou de « seuil limite » pourrait être caduque. En d’autres mots, pour certaines personnes le seuil devrait être à quasi zéro, car elles développent des problèmes de santé à une présence très faible de ces substances. Pour les champs électromagnétiques, l’idée de valeur limite d’exposition n’aurait donc pas toujours de sens pour certaines personnes. Cette remarque a pu être prononcée par des médecins-conseils, notamment un avec lequel nous avons des contacts très intéressants sur ce sujet. Il n’est pas spécialiste des champs électromagnétiques, mais très à la page des maladies émergentes. Nous pourrions un peu le définir comme un médecin-conseil, entre guillemets, « modèle ». Il développe une veille scientifique très importante, ne s’arrête pas à ses acquis et se remet tout le temps en question au sujet de ses compétences.

Nous faisons face à de nombreux questionnements des travailleurs, légitimes et relayés par les délégués

Notre campagne et notre travail sur cette Directive ont créé des débats dans les équipes syndicales pendant un moment. C’est ensuite retombé, mais le sujet revient régulièrement en fonction de l’actualité, par exemple lors des débats autour du lancement de la 4G, et aujourd’hui de la 5G. Ça parle dans les entreprises sur le sujet, car il y a de plus en plus de bornes wifi, des machines connectées… L’industrie mute en « Industrie 4.0 », comme on dit. Nous faisons face à de nombreux questionnements des travailleurs, légitimes et relayés par les délégués.

Les contacts syndicaux

Dans notre enquête auprès des personnes électrosensibles, plusieurs témoins ont évoqué les syndicats, pour rendre compte de contacts pour le moins contrastés. Une dame exposait son désarroi sur son lieu de travail, en évoquant le manque total de perspective. « En fait, je suis seule, je me débrouille seule, je suis obligée. Je m’ennuie énormément chez moi, il ne s’agit pas de ne pas vouloir travailler, au contraire. Mais ce n’était plus possible, j’avais le routeur wifi derrière moi, j’avais le dos brûlé, des douleurs dans les doigts… J’en ai parlé à mon délégué syndical, il m’a regardé de travers, comme une imbécile… Et j’en ai parlé à ma cheffe, elle m’a un peu soutenue, a fait remonter l’information plus haut, mais les mesures ont été insuffisantes. J’ai réussi à tenir deux ans, mais à un moment je n’en pouvais plus, donc officiellement je suis en burn-out. » (1)

Dans la seconde partie de notre état des lieux, nous avions également publié un encadré intitulé « Soutien syndical ? », le flou et l’aléatoire y étaient décrits. « J’ai été voir mon délégué syndical en expliquant ma situation, son discours était celui-ci : « non, il n’y a rien avec ces technologies, c’est de la fibromyalgie dont tu souffres ». C’est intéressant en soi cela dit, car les gens aujourd’hui classés dans cette maladie récemment reconnue, ont vécu le même type de parcours d’incompréhension. Au syndicat, ils sont au courant, j’ai tout fait pour les informer. Et… Point. On ne m’a plus jamais rappelée. » Pour une autre, cela s’est déroulé autrement, « J’ai eu un certificat médical, disant que j’étais bien électrosensible et évoquant les informations de l’OMS, etc. » Cet élément était bien évidemment important dans le cadre de discussions avec l’employeur. « J’ai eu connaissance d’une seconde personne également électrosensible dans l’entreprise, une secrétaire de direction dans le même bureau d’étude, mais je n’ai pas pu avoir un soutien de sa part, et le chef n’a jamais voulu nous mettre ensemble. J’ai parlé au syndicat, très intéressé, auquel j’ai transmis énormément d’informations. On avait ensemble le projet de réaliser des affiches « Ne seriez vous pas électrosensibles ? « , mais l’initiative est tombée à l’eau quand j’ai dû changer de travail. » (2) Nous le voyons, à tous les échelons, l’information vers le grand public semble urgente. En l’absence d’une prise en compte de ce problème de santé publique par les autorités politiques et médicales, les initiatives syndicales restent et resteront limitées.

(1) et (2) Lire « État des lieux (II) : Une vie professionnelle à l’arrêt, ou poursuivie dans la souffrance » .

Les inquiétudes portent uniquement sur les rayonnements ? Les délégués relaient-ils également des situations d’électrosensibilité ?

La plupart du temps ce sont des inquiétudes, des questionnements. Il faut se rendre compte qu’énormément de machines sont installées, le wifi est partout ! Avant tout, nous nous demandons : est-ce bien utile ? Outre la santé, les questionnements portent également sur ce « spectre » de la surveillance par la technologie. Car le wifi est également utilisé pour faire fonctionner des caméras et transmettre les images. Forcément, dans les entreprises, les questions du contrôle des travailleurs par ces technologies créent des débats. Nous n’avons pas creusé énormément ces questions, mais il s’agit d’un élément actuel et parlant. Notre connaissance des interpellations des travailleurs dépend également de la sensibilité du délégué, et de sa spontanéité à relayer ce genre de choses. Même si la médecine du travail nous a affirmé une absence de dangerosité à l’heure actuelle, les débats existent sur le sujet, c’est un fait.

Les délégués sont un excellent baromètre des débats animant le monde du travail. Nous essayons de développer au mieux leur esprit critique, donc dès qu’un sujet interpellant apparaît, que le délégué insiste, je n’ai pas besoin d’avoir des preuves, je lui fais confiance et comprends que la situation mérite des initiatives de notre part. En CPPT, nous avons eu des demandes d’analyses de la situation sur les lieux de travail. Avec des appareils de mesure des rayonnements électromagnétiques, nous avons donc étudié la situation, au sein de protocoles propres à chaque entreprise. Je me souviens par exemple d’une intervention d’un médecin du travail au sujet de l’évitement nécessaire des bornes wifi : il attirait l’attention sur les problèmes de l’exposition à ces rayonnements pour les personnes porteuses de pacemakers. Dans ce cas, très clairement, il faut éviter de travailler en dessous d’une borne, car l’appareil peut être perturbé. Il ne s’agit donc pas de rayonnements anodins, les questions sanitaires ne se limitent pas uniquement à l’électrosensibilité

Pour répondre à votre question, ces questionnements reviennent depuis plusieurs années, mais nous n’avons pas encore réalisé de nouvelle campagne « champs électromagnétiques », d’autres sujets liés au bien-être ont pris le relais en entreprise, mais il y a des débats. Par contre, nous n’avons pas encore posé directement la question « Y a-t-il des électrosensibles ? », mais le sujet et les symptômes sont parfois évoqués dans la revue syndicale : les problèmes de sommeil, l’irritabilité, etc.

Dans notre étude, nous avons brièvement rendu compte du parcours d’un travailleur, exposé aux rayonnements d’une machine dans une usine de votre région. Entre autres problèmes de santé, cette exposition a déclenché l’électrosensibilité.

J’ai pris connaissance de sa situation via la délégation CSC de son entreprise, participante à nos cycles de formation. Ils viennent vers moi après avoir eux-mêmes été sollicités par la personne et je me souviens parfaitement de l’appel du délégué : il n’avait pas d’avis personnel sur le sujet, il transmettait la situation. Assez vite, j’ai pris contact avec le travailleur et nous nous sommes vus plusieurs fois. Lorsque je démarre ce type de contact, dans tous les cas je pars bien entendu du principe que personne n’a intérêt à me mentir au sujet de sa santé. Par ailleurs, au niveau des symptômes il me donnait beaucoup de détails, j’ai très vite été convaincu du problème, c’était très précis.

J’ai tout de suite vu : il est beaucoup trop près de l’installation !

Dans un premier temps, je ne m’intéresse pas tellement à la gestion du dossier, administrativement ou juridiquement, par contre je me demande : comment a-t-il été exposé à ces rayonnements ? En d’autres mots, quels ont été les risques sur le lieu de travail ? Juste avant le confinement, en février 2020, je pars faire une analyse des risques de son poste de travail. Directement, sans être spécialiste, je constate clairement la situation problématique car c’est flagrant ! Au sol, il devait y avoir une indication d’obligation de distance à respecter, le balisage s’était effacé avec le temps, la machine elle-même avait bougé et cachait ce balisage… Or, concernant les rayonnements, la puissance est totalement dépendante de la distance, je me souvenais clairement de cet élément, étudié lors de la campagne sur les risques liés aux rayonnements électromagnétiques. Contre une borne wifi, par exemple, ou à un mètre de distance, c’est exponentiel vers le bas. Lui, le travail effectué le plongeait directement dans les champs. Je n’avais pas d’appareil pour mesurer, et la machine était à l’arrêt, mais ça m’a de suite choqué, c’était flagrant ! Vous savez, je travaille ici dans un bureau, je n’évolue pas au quotidien dans un contexte industriel, mais dans toutes les formations je suis nourri de situations particulières, et j’ai tout de suite vu : il est beaucoup trop près de l’installation ! De plus, et ça ce n’est pas lié aux ondes électromagnétiques, il y avait également un système d’aspiration d’air défectueux, et des pictogrammes de danger au sujet des produits présents. La question est donc, de suite : pourquoi n’y a-t-il pas eu plus de précautions ?

pearl - dessin Pawel Kuczynski
pearl - dessin Pawel Kuczynski

Que se passe-t-il ensuite ?

L’employeur a conformé la situation avec les garants de sécurité, et le travailleur a pris des clichés des changements opérés. Comme il avait pris des photos auparavant, les comparaisons « avant-après » étaient imparables. Tout ça a permis d’apporter des éléments dans son dossier au sujet de l’exposition problématique, d’ailleurs jamais niée par l’employeur, encore moins après l’analyse faite sur place avec moi. (5) Par la suite, mon collègue du service juridique a pris le dossier en main, et la permanente syndicale s’est occupée des contacts avec l’entreprise. Lui et moi ne nous sommes plus vus dans cette phase… Nous reprenons contact au moment où son dossier de reconnaissance de maladie professionnelle piétine. Il désirait appuyer ses arguments, donner plus de substance à son dossier. Je lui ai signalé ne plus pouvoir amener de contenu supplémentaire : nous sommes alors plongés dans l’argumentation médicale, les expertises et contre-expertises… À ce stade, nous sommes pleinement face à la problématique de la reconnaissance des maladies professionnelles en général, et plus particulièrement encore des maladies émergentes.

Comment décririez-vous cette problématique ?

Plusieurs constats sont à poser. Pour ce travailleur, nous sommes alors dans la phase judiciaire et tous et toutes, tant le requérant, la partie adverse que le juge, personne n’est expérimenté en matière médicale. Nous dépendons toujours, forcément, d’une expertise médicale extérieure. À nouveau, je ne suis pas médecin, et je n’ai certainement pas une vision a priori négative des médecins, il y a des personnes de qualité et il doit peut-être y avoir des « charlatans », mais quoi qu’il en soit nous sommes alors dépendants d’eux. Ça m’a sauté aux yeux : nous dépendons d’experts, évidemment non élus, pas tellement contrôlés, des personnes elles-mêmes compétentes, moins compétentes, convaincues ou pas, sensibles ou pas à certaines questions… Ne nous trompons pas, je ne déclare pas ces personnes incompétentes, du tout, mais voilà : elles ne sont peut-être pas convaincues du problème auquel nous faisons face. Premier constat.

Souvent, la personne sera jugée a priori comme affabulatrice. Et ça, c’est hyper violent

Le deuxième constat concerne la difficulté du cheminement de l’affaire, le chemin de croix en fait, vraiment spécifique sur la reconnaissance des maladies professionnelles. Pour le troisième constat, nous devons voir, souvent, que la personne sera jugée a priori comme affabulatrice. Et ça, c’est hyper violent. De nouveau, je ne prétends pas qu’il faut tout accepter, pas du tout, mais à la base on est souvent déjà jugé « coupable » dans ce chemin de croix à mener, c’est un constat.

Ce cheminement est d’autant plus difficile pour l’électrosensibilité, au centre de polémiques scientifiques et médicales.

Oui, en plus d’être dépendants de l’expertise médicale, dans cette question de l’électrosensibilité nous sommes bloqués par la non-reconnaissance politique et scientifique du problème. Surtout que ce travailleur, il n’était pas « malade », il a eu des moments d’incapacité, par intermittence, mais il faisait l’effort de continuer à travailler. Un élément qui, en lui-même, le rendait d’ailleurs déjà suspect ! Ne plus travailler du tout aurait été plus clair, semble-t-il… Il a développé une série de symptômes, pour le moment pas incapacitants à 100 %, mais ce sont clairement des problèmes de santé. On a par exemple détecté une infertilité (6), en plus d’une série de symptômes caractéristiques des personnes électrosensibles.

Dans le cas de cette affection, faute de reconnaissance officielle, nous nous retrouvons en fait dépendant de la sensibilité personnelle du médecin-expert

Dans le cas de cette affection, faute de reconnaissance officielle, nous nous retrouvons en fait dépendant de la sensibilité personnelle du médecin-expert. Exemplification avec notre travailleur : un dossier a été déposé par notre service juridique chez Fedris, l’Agence fédérale des risques professionnels. Il comprenait des documents médicaux, avec des éléments de preuves, de nouveau pas « irréfutables » donc, mais qui en tous les cas l’étaient pour le médecin de notre travailleur ! Le dossier est bien argumenté mais Fedris refuse, il le déclare irrecevable car « la causalité n’est pas claire ». L’affilié dépose un recours, le service juridique reprend l’argumentation, l’étoffe en répondant aux arguments amenés par Fedris, et c’est déposé au tribunal. La décision du tribunal est qu’il y a bien suffisamment d’éléments pour ouvrir un dossier. Fedris y amène sa propre expertise. Dans un deuxième temps, une audience désigne un expert indépendant : nouvelle expertise ! Le juge prend sa liste d’experts médicaux et y choisit une médecin pour cette nouvelle expertise, à charge de la partie perdante à l’issue de l’affaire. Le travailleur contacte la médecin et elle dit n’avoir jamais rencontré ce cas de figure. Elle n’est donc pas convaincue, se déclare incompétente sur ce sujet… C’est très important : elle signale son incompétence ! Elle demande des éléments médicaux pour le dossier, le travailleur va la voir avec les éléments établis par son médecin. Après toutes ces étapes, épuisé, il abandonne la procédure. Selon le discours de la médecin, l’issue ne lui semblait pas s’annoncer favorable.

Imaginons qu’on soit allé jusqu’au bout de cette nouvelle phase, nous nous serions retrouvés avec six expertises médicales ! Ne parlons même pas des éventuels coûts, mais nous sommes face au cas de figure dans lequel plus c’est compliqué, moins on comprend… Les médecins n’y peuvent rien si le problème est complexe. Pour une reconnaissance de maladie professionnelle, il faut que le problème repose sur une pathologie précise et, important, une cause bien identifiée. On était parti, sur différentes pistes pour expliquer les pathologies, une première tenant dans le produit utilisé par le travailleur, une deuxième liée aux champs électromagnétiques, à laquelle le travailleur avait même ajouté une troisième : l’anxiété. Car en effet, l’anxiété générée par le parcours du combattant, depuis six ans, a certainement joué un rôle dans son état de santé global. Donc plus c’est compliqué, plus l’employeur garde la main. Quand en plus nous sommes face à une problématique de non-reconnaissance de maladie émergente, l’employeur peut s’y engouffrer pour prétendre que tout est faux.

L’électrosensibilité reconnue au tribunal du travail

Dans notre étude, nous rapportons le cheminement d’une procédure devant le travail du tribunal, dont l’aboutissement pour la travailleuse est la reconnaissance d’une incapacité d’encore travailler au contact des installations technologiques de l’entreprise. La juge a suivi le rapport de la médecin-experte mandatée par le tribunal, en déclarant : « Je prends bonne note du fait que vous considérez que la patiente ne présente pas d’invalidité, je le confirme comme l’avait fait le premier expert. » Dans ce rapport d’expertise, si incapacité il y a bien, elle doit être envisagée sur le marché général de l’emploi – les lieux accessibles à la travailleuse – et non comme une invalidité physique en tant que telle. Le jugement va donc dans le sens de la reconnaissance d’une pollution environnementale créant un contexte de travail non adéquat, plutôt que dans le sens d’un corps inapte. La médecin-experte souligne dans son rapport une nécessité de poursuivre les recherches et ajoute qu’« à cet égard il semble utile de faire un parallèle avec d’autres affections telle que la fibromyalgie (1). Ne devait-on accorder aucun crédit à l’intégralité des patients qui présentaient un ensemble de symptômes concordants non encore étiquetés fibromyalgie, avant que l’affection soit largement décrite dans les ouvrages de référence ? Je ne le pense pas. Certains de ces patients présentaient une souffrance manifeste et réelle qui devait être prise en compte sur le plan médical, bien avant que l’affection ne figure dans les traités de médecine ».

La travailleuse électrosensible, indemnisée sur cette base par l’Inami, décrit le jugement final de son affaire comme « très important, car cet avis axe la responsabilité sur l’impossibilité de me fournir un cadre de travail sain, plutôt que sur mon corps supposément responsable de ne plus pouvoir travailler. Ce jugement acte en quelque sorte l’anomalie du renversement de la charge de la preuve en vigueur depuis une trentaine d’années. Face à la pollution électromagnétique, il est souvent brandi que rien ne prouve la nocivité de ces technologies, or une société où la santé humaine serait en tête des préoccupations exigerait l’inverse : une preuve du manque de nocivité de ces équipements. De préférence préalablement à leur commercialisation massive. Tout cela me semble crucial pour le futur des électrosensibles, car même en cas de reconnaissance officielle, le risque serait d’être uniquement stigmatisés comme malades. Or, l’enjeu de la reconnaissance est aussi et surtout d’accepter l’existence d’une pollution électromagnétique artificiellement créée, la modification de nos milieux de vie et la nécessité de cesser de rendre les gens malades. Nous sommes, en fait, des valides empêchés. » (2) L’orientation de cette décision de justice représente une lueur d’espoir pour cette problématique aujourd’hui totalement bloquée, en apparence sans perspective positive.

(1) La fibromyalgie est une maladie chronique encore mal connue, et se traite difficilement. Elle représente une association de douleurs chroniques durant des années, une fatigue injustifiée et des troubles du sommeil, des traits symptomatologiques partagés avec l’électrosensibilité. Elle est également appelée fibrosite, syndrome polyalgique idiopathique diffus (SPID) ou polyenthésopathie. (Source. Société française de rhumatologie)

(2) L’intégralité de l’interview est disponible sur notre site internet, www.ensemble.be, onglet « Archives ». « L’électrosensibilité au Tribunal du travail » .

Vos éléments d’analyse sont emblématiques. Nous avons rencontré une dame dont la procédure au tribunal du travail est arrivée à son terme. La médecin-experte a par exemple évoqué d’autres affections au parcours similaire de maladies émergentes, telles que la fibromyalgie ou le syndrome de fatigue chronique, aujourd’hui plus avancées dans la reconnaissance. Cette médecin-experte pose la question : ne fallait-il pas aider les personnes quelques années plus tôt, alors qu’aujourd’hui la Sécurité sociale reconnaît leurs maux ?

Cet exemple est bien entendu totalement signifiant pour la situation vécue par notre ouvrier liégeois. Cependant, la situation est identique pour de nombreux problèmes de reconnaissances de maladies professionnelles. Les gens ne s’en rendent sans doute pas compte, mais nous avons par exemple des problèmes avec certains types de cancers. Nous sommes face à des chiffres énormes de cancers annuels, sans disposer d’aucune statistique en fonction des produits utilisés, excepté pour l’amiante, substance pour laquelle les mésothéliomes et cancers du poumons sont officiels. Heureusement, c’est en baisse car de moins en moins de gens sont exposés à l’amiante en Belgique. Le cancer du sinus pour les menuisiers a été reconnu il y a cinq ans par Fedris, une campagne rapide s’est mise en place, avec des conclusions irréfutables. Mais il n’y a vraiment que ces cancers-là. Bien entendu, la réalité d’un cancer ne peut être niée, on voit bien quand il arrive, mais tous les autres cancers que ceux cités sont classés comme cancers d’origine domestique, ou sans origine particulière.

Nous serons pris au sérieux, par rapport à des cancers liés à certains produits industriels, ou par rapport aux champs électromagnétiques, uniquement lorsque nous aurons une statistique claire de causalité

Nous serons pris au sérieux, par rapport à des cancers liés à certains produits industriels, ou par rapport aux champs électromagnétiques, uniquement lorsque nous aurons une statistique claire de causalité. Nous avons parfois des discussions avec des représentants politiques, ils sont d’accord avec nous, prêts à nous soutenir en soi, mais pour agir ils veulent d’abord disposer des chiffres ! Bien entendu, aucun hôpital ne fournit des chiffres de l’origine professionnelle du cancer de leurs patients. Avec la FGTB, nous avons par exemple avancé sur des questions de risques professionnels liés à l’utilisation de solvants, à certains procédés de fabrication, ou même sur l’émission de poussière métallique, des éléments « à risque élevés »… Mais nous bloquons encore sur un problème de reconnaissance. Au sujet de l’électrosensibilité, nous sommes sur les mêmes constats, avec en outre un manque plus important encore de visibilité du problème.

Les bénéfices des opérateurs et des industriels sont colossaux. Ils freinent au maximum le moment où ils devront mettre la main à la poche pour couvrir les frais de sécurité sociale engagés pour les personnes électrosensibles.
Les bénéfices des opérateurs et des industriels sont colossaux. Ils freinent au maximum le moment où ils devront mettre la main à la poche pour couvrir les frais de sécurité sociale engagés pour les personnes électrosensibles.

Y a-t-il un espoir du côté judiciaire ?

La justice peut faire avancer les choses, nous y croyons. La jurisprudence peut être utilisée, mais il s’agit à chaque fois de cas individuels. Le juge peut tout à fait prononcer un autre jugement, en démontrant une situation pas totalement identique et l’impossibilité d’appliquer la jurisprudence telle quelle. La justice aura tendance, forcément, à plutôt se prononcer sur des faits et des chiffres renseignés. Le monde politique pourrait évoluer, grâce à des remontées des faits par les syndicats ou d’autres acteurs, mais sans cette reconnaissance politique, nous manquons d’éléments, risquons de ne jamais avancer. Je ne sais pas très bien comment travailler ces questions… Des initiatives avec les forces vives sont à mettre en place, c’est certain, pour visibiliser les problèmes émergents.

D’un point de vue plus global, la société devrait aujourd’hui réfléchir autrement, c’est évident. Nous devrions appliquer les préceptes de l’économiste français Éloi Laurent (7), qui parmi beaucoup d’autres auteurs prône l’abandon de la valeur « croissance ». Pour évaluer l’état d’une société, beaucoup plus que le Produit intérieur brut (PIB), le meilleur indicateur d’un bien-être général est selon lui l’indicateur « santé », en observant la santé globale de la population. Voilà l’objectif dans la vie : être heureux. Un objectif bien entendu valable pour la vie professionnelle, qui prend une bonne part du temps des gens. Gagner sa vie, mais selon quel schéma ? À chacun de le définir, mais garder une bonne santé avec, le cas échéant, les moyens de se soigner doit faire partie des indicateurs principaux. Du point de vue du conseiller en prévention, l’enjeu est fondamental : comment faire en sorte que les gens travaillent dans de bonnes conditions ?

Coût des insomnies pour la Sécurité sociale ?

ans notre état des lieux de l’exclusion par la pollution électromagnétique, nous avons évoqué les personnes électrosensibles classées parmi les chiffres de burn-out par les médecins-conseils des mutuelles. (1) L’augmentation des burn-out a bien entendu un coût pour la collectivité, mais aussi pour les entreprises. Laurent Lorthioir, collaborateur au service Entreprises de la Confédération des syndicats chrétiens, signale qu’« en juin 2020, on recensait 10.597 travailleurs absents de longue durée en raison du stress ou d’un burn-out, pour 4.163 fin 2017. Une croissance de 155 % qui représente un coût considérable pour la Sécurité sociale : près de 155 millions d’euros par an et 491.000 euros par jour ! Et si l’on isole le burn-out, l’évolution est encore plus inquiétante : on passe, sur cette période, de 3.713 à 9.708 cas, soit une hausse de 162 % ». (2)

D’autres chiffres sont aujourd’hui à ajouter à ces coûts inquiétants. À l’occasion de la journée internationale du sommeil, le 17 mars 2023, un rapport rendu public analyse l’impact socio-économique de l’insomnie dans les pays à hauts revenus (Europe, Amérique du Nord et Australie). « L’insomnie touche un adulte sur deux, avec des effets en cascade non seulement pour l’individu qui en souffre, mais aussi plus globalement sur les familles, l’emploi et l’économie, bref, la société dans son ensemble. Un adulte sur douze (8 %) souffre d’insomnie chronique, soit des symptômes d’insomnie ressentis au moins trois fois par semaine pendant au moins trois mois et une altération des activités quotidiennes. Les résultats de l’étude montrent que l’insomnie chronique est associée à une productivité réduite sur le lieu de travail en raison de l’absentéisme et du présentéisme (venir travailler malgré tout), entraînant la perte d’une moyenne de 44 à 54 jours ouvrables par an et, par conséquent, une perte substantielle du produit intérieur brut (PIB) annuel. » (3)

L’un de nos témoins évoque les insomnies comme premier signe de réaction du corps aux rayonnements électromagnétiques, un symptôme repris par l’OMS dans sa description du Syndrome des micro-ondes. « Tout a commencé par des insomnies catastrophiques, inexplicables. C’était clairement physique, mon corps était sous tension et maintenu en éveil. Aujourd’hui encore mon principal problème tient dans l’incapacité, parfois totale, à m’endormir. Plus l’exposition est importante dans la journée, plus la nuit est difficile. Passé une certaine dose, je suis bon pour la prise d’un somnifère puissant, pour un sommeil jamais vraiment réparateur. J’ai alors beaucoup de mal à assumer la journée du lendemain, j’arrive tant bien que mal à continuer à travailler en évitant trop d’absences, mais je suis en permanence sur le fil… » Pour la Belgique, le coût des insomnies est chiffré à 5,2 milliards par an, soit 0,98 % du PIB. « L’étude décrit en outre les coûts indirects de l’insomnie liés à la perte de qualité de vie, sachant que les personnes insomniaques sont deux à quatre fois plus susceptibles de souffrir de dépression. Mieux comprendre et prévenir l’insomnie est donc crucial pour la société dans son ensemble. » (4)

Combien de personnes insomniaques sont en fait – au moins en partie – sensibles aux rayonnements électromagnétiques omniprésents ? Avec quel coût pour les finances publiques ? Parallèlement aux mesures à prendre pour réduire les méfaits sanitaires des nouvelles technologies, il va falloir se tourner vers les colossaux bénéfices des industriels pour financer la gestion des conséquences sur notre société.

(1) Lire le segment « Inégalités de traitement par les médecins-conseils », ainsi que l’encadré « Burn-out en explosion », in « État des lieux (II) : Une vie professionnelle à l’arrêt, ou poursuivie dans la souffrance » , Ensemble n° 107, Mai 2022, pages 50 à 70. www.ensemble.be, onglet « archives ».

(2) « Les absences pour burn-out ont presque triplé en trois ans », Pascal Lorent, Le Soir, 28 avril 2021.

(3) et (4) « Les insomnies pèsent sur la société dans son ensemble », A.-S. L., Le Soir, 17 mars 2023. Le rapport est publié par l’Organisation non gouvernementale Rand Europe.

(1) Sites industriels susceptibles de connaître des accidents majeurs – les « sites Seveso » – nécessitent un grand niveau de prévention. Ce système tire son nom de la catastrophe de Seveso, survenue en 1976 en Italie.

(2) Lire l’encadré « Sécurité en usine » in « État des lieux (II) : Une vie professionnelle à l’arrêt, ou poursuivie dans la souffrance »

(3) « Directive 2013/35/UE du Parlement Européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) ». Une présentation du texte est publiée par l’Institut national français de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Les effets à court terme d’une exposition aux champs électromagnétiques, pour les « effets directs » sur la santé, y sont décrit comme suit : « (…) les effets thermiques (échauffement des tissus) constatés pour l’exposition aux champs de fréquences comprises entre 100 khz et 300 ghz ; – les effets non thermiques qui surviennent lors d’exposition aux champs de fréquences comprises entre 0 hz et 10 mhz. ils comprennent les effets de stimulation des muscles ou des nerfs qui sont nocifs pour la santé à partir d’un certain seuil. Ils comprennent aussi des effets sensoriels variables en fonction de la fréquence, et qui peuvent se traduire par l’apparition de symptômes passagers tels que phosphènes rétiniens ou vertiges. ils sont aussi susceptibles d’altérer les facultés cognitives ou d’autres fonctions cérébrales ou musculaires. À noter qu’il existe aussi un effet sensoriel pour l’exposition à des impulsions dans la bande des fréquences (0,3 à 6 ghz). l’effet se traduit par la perception de « clics » dans le conduit auditif. c’est au regard de ces effets que la directive introduit la notion de risque pour la sécurité (une sensation de vertige à proximité de conducteurs sous tension par exemple) (…) », « Décryptage. Champs électromagnétiques : la nouvelle Directive européenne », Patrick Moureaux, INRS – département expertise et conseil technique, Hygiène et sécurité du travail n° 235, juin 2014.

(4) Dans notre prochain numéro nous proposerons une rencontre avec un philosophe des sciences, nous discuterons avec lui de cette question de la preuve scientifique. Nous renvoyons également à l’encadré « D’autres approches en Europe ». Certaines autorités prennent en effet des initiatives de soutien des électrosensibles, sans toutefois disposer de cette « preuve irréfutable », d’autres encore prônent le respect d’un principe de précaution.

(5) Si, bien entendu, le grand public n’est pas exposé à la machine à l’origine des problèmes de ce travailleur, son expérience démontre la nocivité des rayonnements électromagnétiques sur le corps humain. Les industriels connaissent ces effets, des protocoles de protection existent, qui apparaissent dans les manuels d’utilisation des machines.

(6) La stérilité est une conséquence souvent citée dans les débats sur la pollution électromagnétique. Le docteur Romain Imbert, gynécologue et chef du service de procréation médicalement assistée (PMA) au Chirec à Bruxelles, s’est exprimé sur le sujet. Lorsqu’on lui demande quelle serait la « dose » acceptable d’utilisation du téléphone portable sur une journée, il répond : « Les études reprennent une durée totale de trente minutes par jour, avec des communications qui ne dépasseraient pas dix minutes. Ceux qui se servent de leur GSM de façon nettement plus importante pourraient être donc impactés au niveau de leur fertilité ! Ce qui est démontré, c’est que cette catégorie d’usagers est aussi touchée par des tumeurs cérébrales, les gliomes. On conseille de mettre le téléphone en poche et de brancher un fil avec des écouteurs pour éviter ce risque. Il faut l’éloigner. » « Téléphone portable : un danger pour la fertilité », Soirmag, 30 août 2017.

(7) Éloi Laurent est économiste, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques. (OFCE) Il est notamment l’auteur de l’ouvrage « Et si la santé guidait le monde : l’espérance de vie vaut mieux que la croissance », Les Liens qui libèrent, 2020.

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