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La décolonisation de l’espace public au parlement

Le parlement bruxellois vient d’adopter une résolution qui prône la « décolonisation de l’espace public ». Un succès pour le mouvement qui l’a porté, mais qui comporte un risque d’enlisement.

La question de la présence des noms de rues et de monuments glorifiant la colonisation belge dans l’espace public n’avait jusqu’ici fait l’objet que d’un travail de sensibilisation mené par des associations (visites guidées « décoloniales »…) ou de contestations concrètes (demandes de démantèlement des statues, vols, « vandalisme »…). En adoptant, le 17 juillet 2020, une résolution relative à la décolonisation structurelle et inclusive de l’espace public bruxellois dans le cadre d’un travail de dialogue et de mémoire (1), les député.e.s bruxellois.es ont fait rentrer ce sujet dans l’enceinte parlementaire et lui ont donné une majorité pour demander que le gouvernement y donne suite. Le premier signataire de cette résolution, le député Kalvin Soiresse (Ecolo), a répondu à nos questions relatives à celle-ci (voir p. XX) et nous publions également ci-après les attentes en la matière de deux associations qui se sont mobilisées sur cette question : le Collectif mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMCLCD) et Intal (lire p. XX). Mais quel est le contexte dans lequel cette résolution a été adoptée ? Quel est son contenu ? et quels sont les problèmes que l’on peut déjà anticiper par rapport à la suite qui y sera donnée ?

Quatre-vingt années de propagande coloniale

Les quatre-vingt années d’occupation coloniale léopoldienne et belge en Afrique centrale ont laissé leurs traces dans notre espace public à travers un ensemble de noms de rue et de monuments attribués ou érigés à la gloire de la colonisation et des colons. Ces monuments, notamment décrits et analysés par Luca Catherine et Matthew G. Stanard (2), ont été érigés soit à l’initiative d’associations coloniales soit d’autorités publiques belges (par exemple le ministère des Colonies, des communes…) ou avec leur soutien. Leur installation faisait partie d’une campagne de propagande permanente de l’État belge qui visait à faire adhérer la population à « l’œuvre coloniale ». L’ensemble des ces monuments comporte une dimension raciste. Il s’agissait non seulement d’occulter le caractère criminel de la colonisation belge, mais encore de la justifier en la présentant comme une œuvre émancipatrice, apportant des bienfaits aux peuples « indigènes ».

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Pour ce faire, ils célèbrent dans la pierre et le bronze les « pionniers » belges de la colonisation « morts pour la civilisation »  et les présentent comme des « surhommes », tandis que les indigènes sont représentés comme des « sous-hommes », que seule l’action coloniale pouvait faire accéder à un stade plus « évolué » de l’humanité. Matthew G. Stanard pointe certaines caractéristiques de ces monuments : la conquête léopoldienne est héroïsée ; en contrepoint à la représentation virile des pionniers belges, l’Afrique est généralement représentée comme une femme, ou une femme avec des enfants, les Africains sont représentés nus ou quasi nus, etc. (3). Le message porté par ces monuments, souvent utilisés durant de longues années pour des cérémonies commémoratives, est bien résumé dans une citation de Léopold II inscrite en dessous de l’un d’eux : « J’ai entrepris l’œuvre du Congo dans l’intérêt de la civilisation et pour le bien de la Belgique »

Depuis la remise en cause du récit national justifiant la colonisation belge et l’émergence en Belgique d’une conscience des crimes coloniaux qui y sont liés, qui fait suite à la publication des livres d’Adam Hochschild et de Ludo De Witte, à la fin des années 1990 (4), il y a eu de premières actions de contestation des monuments coloniaux dans la première décennie des années 2000 (organisation, par Luca Catherine et le CADTM, de visites guidées critiques de ce patrimoine, demande de retrait d’une plaque à Liège, peinture en rouge sang de la statue équestre de Léopold II située place du trône, main coupée d’un figurant congolais faisant partie du monument dédié à Léopold II à Ostende, etc.).

Ces actions n’ont toutefois eu qu’un impact limité (fin de non-recevoir pour le retrait de la plaque à Liège, nettoyage de la statue équestre, seule la main coupée à Ostende est demeurée). Quelques plaques de « contextualisation » ont été posées auprès de statues de Léopold II en Flandre, mais elles ne portent généralement que des textes qui sont loin de condamner nettement la colonisation et les crimes commis (Lire l’encadré 1p. XX). Durant la seconde décennie des années 2020, le Collectif mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMCLCD) a progressivement développé l’organisation régulière de visites guidées et critiques de ce patrimoine. Il a également fait campagne, avec d’autres associations (dont Intal, Bamko…), pour la création d’une place publique dédiée à Patrice Lumumba. En 2018, après plusieurs années de campagne en ce sens, cela a abouti à la création d’un square Lumumba, à ce stade minuscule et très peu visible, sur le territoire de la Ville de Bruxelles (5).

Black Lives Matter

En 2019, lors de la formation du nouveau gouvernement bruxellois (PS – Ecolo – Défi – Groen – VLD – SP.A), cette question a trouvé une place (très réduite) au sein de l’accord de majorité, lequel stipule à cet égard que le gouvernement «  initiera une réflexion, en concertation avec le monde académique et les acteurs associatifs concernés, relative aux symboles dans l’espace public liés à la colonisation ». Près d’un an plus tard, la mort de George Floyd, étouffé le 25 mai 2020 lors d’un contrôle de police aux USA, a déclenché une vague de protestations dans l’ensemble des Etats-Unis, qui s’est largement étendue dans le monde sous le slogan Black Lives Matter, dénonçant le racisme et les violences policières. Dès les premiers jours du mois de juin, les protestions aux USA ont notamment visé les monuments dédiés aux Confédérés (c’est-à-dire aux défenseurs de l’esclavage durant la guerre de Sécession, de 1861 à 1865), les violences racistes d’aujourd’hui étant mises en rapport avec la glorification de ce passé. En quelques semaines, des dizaines de monuments ont été mis à bas par les manifestants ou retirés à la suite de décisions d’autorités publiques ou privées compétentes.

En Belgique, ce mouvement a reçu un large écho, malgré le contexte de crise sanitaire qui limitait les possibilités d’actions collectives. De premiers rassemblements (non autorisés) ont eu lieu à Bruxelles et à Gand le 1er juin, puis à Liège le 6 juin et enfin un rassemblement autorisé s’est tenu à Bruxelles, le 7 juin, ralliant plus de 10.000 personnes. Dès le 26 mai, une pétition a été mise en ligne qui demande « d’enlever toutes les statues de Léopold II » (lire l’encadré 2p.XX). En quelques jours, elle a recueilli plus de 20.000 signatures (elle en compte, début septembre, plus de 80.000). De nombreux monuments coloniaux ont été contestés sur le terrain. Dans les premiers jours de juin, la statue de Léopold II à Ekeren (Anvers) a été « vandalisée » à plusieurs reprises, ce qui a amené à son retrait. Suite à une pétition lancée le 5 juin par une étudiante, l’Université de Mons a décidé quelques jours plus tard de retirer un buste de Léopold II. De même, suite à une pétition, aux démarches d’organisations et de professeurs, l’Université catholique de Leuven a également décidé, le 10 juin, de retirer un buste de Léopold II de sa bibliothèque, ce qui a été pleinement assumé et assorti d’une motivation détaillée par son recteur (6).

A Hal, le 14 juin, le buste de Léopold II, après avoir été repeint et mis à bas de son socle, a été temporairement retiré de l’espace public par les autorités communales. En région bruxelloise, différentes statues du roi Léopold ont également été taguées (celle de la place du Trône, dès le 6 juin, celle du Jardin du roi d’Ixelles, le 13 juin) ou mises à bas de leur socle, comme celle d’Auderghem, le 11 juin, ce qui a conduit la commune à décider de la retirer provisoirement. Quelques jours plus tôt, le Bourgmestre de la commune, Didier Gosuin, avait déjà fait enlever la mention « en hommage à ceux qui ont apporté la civilisation au Congo », qui figurait près du buste. La suppression de cet élément le plus explicite du caractère colonial du monument n’a manifestement pas dissuadé les activistes. Le 11 juin, ce également fut au tour de la statue dernier roi du Congo belge, Baudouin, placée devant la cathédrale de Bruxelles, d’être badigeonnée de rouge.

C’est donc dans ce contexte très particulier que des parlementaires bruxellois issus des partis membres de la majorité ont déposé, le 5 juin, une proposition de résolution « relative à la décolonisation structurelle et inclusive de l’espace public bruxellois » qui a par la suite été réécrite et a sur cette base reçu le soutien de différents groupes de l’opposition (cdH – CD&V – PTB – PVDA), avant d’être adoptée par le Parlement bruxellois le 17 juillet (avec l’abstention du MR et la NV-A comme seul vote contre) (voir l’interview de son premier signataire, p. XX) (7).

Une résolution pionnière et limitée

Le texte de la résolution (voir l’extrait dans l’encadré, p. XX) est à certains égards très novateur. Pour la première fois, un parlement belge reconnaît la décolonisation de l’espace public en tant qu’objectif d’une politique publique, tout en faisant le lien entre le patrimoine colonial et la perpétuation du racisme et des discriminations. Les limites de ce texte sont néanmoins apparentes. Il s’agit pour l’essentiel d’une déclaration d’intention qui ne porte aucun contenu concret par rapport à l’espace public bruxellois. L’élaboration des propositions précises est remise à un groupe de travail que le gouvernement bruxellois devra mettre en place. Quant à l’application éventuelle, il s’agira le plus souvent d’une compétence communale. L’orientation générale de la résolution reste également assez floue : si elle condamne la colonisation, elle ne va pas jusqu’à la qualifier de criminelle, et encore moins à reconnaître des crimes contre l’humanité ou à pointer des responsables. Or il faut bien reconnaître ces faits pour juger correctement ce qu’il convient, par exemple, de faire de la statue équestre de Léopold II et du boulevard qui porte son nom (voir encadré 3).

La confusion de la résolution va jusqu’à aboutir à la décision « d’organiser un événement de commémoration des victimes de la colonisation et de célébration des liens qui unissent la Région à son héritage africain » (sic). Or, si les «  liens qui unissent la Région à son héritage africain » sont bien la colonisation elle-même, comment le Parlement bruxellois peut-il prétendre sans indécence les célébrer en même temps qu’il commémorerait les « victimes de la colonisation »? Et n’y aurait-il pas une forme de déni à prétendre « commémorer » les victimes tout en refusant de pointer les responsables ? Le débat parlementaire qui a entouré l’adoption de la résolution éclaire ses limites et ambiguïtés. D’un côté, tout en y apportant son soutien, le député PTB Peyta Obolensky a souligné les questions selon lui non résolues ou occultées dans le texte adopté : « Jusqu’à preuve du contraire, il ne s’agit que d’un bout de papier, sans implication pratique dans le réel. (…). Sans surprise, rien dans le projet de résolution n’évoque le lien entre la colonisation belge au Congo et la constitution du capital de certaines grandes entreprises. (…) Ceux qui ont pillé le Congo et massacré le peuple congolais sont les mêmes qui ont exploité et réprimé la classe ouvrière en Belgique.

Pour nous, il s’agit là d’un point d’attention fondamental, qui s’oppose non seulement à une sorte d’antiracisme libéral qui se contente de la place dans l’élite accordée aux personnes issues de l’immigration, à l’image de Barack Obama, sans guère de changements structurels, mais aussi à une sorte d’antiracisme qui oppose les noirs et les blancs. » (8). Inversement, les députés du groupe Défi, qui ont également soutenu le texte, ont répété leur volonté « de maintenir le patrimoine existant ». La députée Nicole Bomele Nketo (Défi) insistant : « Il ne faut pas diviser, mais réconcilier. (…) Beaucoup de gens s’inquiètent pour les statues. Je les rassure : le groupe Défi compte laisser en place les statues de Léopold II, mais des notices explicatives leur seront ajoutées qui relateront la vérité historique et contextualiseront la figure de ce roi. », avant de conclure « J’aimerais appeler à la patience, voire à la retenue, dans les communes, afin que les motions éventuellement déposées n’anticipent pas les conclusions des travaux qui débuteront bientôt aux parlements fédéral et régional. ».

A suivre Défi, les transformations effectives de l’espace public bruxellois seraient ainsi renvoyées aux conclusions (improbables ?) de la Commission spéciale fédérale (lire p. XX) et à celles du « groupe de pilotage » institué au niveau bruxellois en application du décret. Mais en l’absence d’orientation politiquement assumée et vu son hétérogénéité dans sa composition associative et académique, ce groupe de pilotage chargé de formuler des propositions au gouvernement ne risque-t-il pas de servir de caution pour un statut quo ou pour des solutions qui ne soient pas porteuses d’une décolonisation véritable ? Il est remarquable que, dans l’appel aux candidat.e.s pour faire partie de ce groupe, qui a été publié dès le 13 juillet, sous la responsabilité du secrétaire d’État chargé de l’Urbanisme et du Patrimoine, il n’est pas fait mention d’un objectif de « décolonisation structurelle et inclusive de l’espace public » mais seulement du lancement « d’un groupe de travail sur la présence des symboles coloniaux dans l’espace public » (9). On peut déjà raisonnablement augurer que les représentants d’associations décoloniales qui seront invités à participer à ce groupe de travail seront mis sous forte pression pour accepter et cautionner des positions dites de « compromis » qui pourraient se résumer au retrait de quelques noms de rues dédiés à l’un ou l’autre collaborateur de Léopold II et à l’organisation de la pose de quelques plaques explicatives ambiguës.

Des contextualisations qui édulcorent les crimes

En Flandre, depuis la fin de la première des décennies des années 2000, les autorités locales flamandes ont commencé à apposer des plaques de « contextualisation » auprès des statues de Léopold II qui y sont érigées. Toutefois, ces dites « contextualisations » sont loin de dénoncer les crimes commis au Congo sous la responsabilité suprême de Léopold en tant que crimes contre l’humanité. En en présentant une vision édulcorée, qui in fine ne remet pas en cause l’hommage au souverain qu’est l’exposition de sa statue, ces contextualisations apparaissent moins comme une rupture avec le négationnisme belge que sa perpétuation adaptée au contexte actuel.

On peut ainsi lire auprès des statues de Léopold II à Hal : « Le commerce du caoutchouc et de l’ivoire, qui était en grande partie entre les mains du roi, a coûté de nombreuses vies humaines au peuple congolais. » A Ostende : « Outre la symbolique coloniale du monument, la politique coloniale mise en place suscite encore aujourd’hui une grande controverse. » A Gand : « Le pouvoir de Léopold II et les actions des colons belges sous son régime au Congo soulèvent aujourd’hui des questions, notamment sur l’approche brutale et criminelle envers la population locale et son exploitation inhumaine. »

« Le Conseil communal,(…)
Considérant que l’Histoire n’est au service ni du politique, ni des revendications communautaristes ; Considérant que la période coloniale reste un sujet sensible dans notre pays et continue à diviser ceux qui jettent un regard sévère sur la façon dont le Congo a été géré par Léopold II et par la Belgique, et ceux qui estiment que la Belgique a joué un rôle majeur dans le développement du pays ; (…) ; Considérant que le simple retrait de statues reviendrait à attiser des tensions et relancer des débats passionnés alors qu’il faut fédérer et non diviser ; Considérant qu’installer, aux côtés de ces références historiques et commémoratives, des plaques argumentaires pédagogiques expliquant de manière équilibrée le contexte de l’époque, les réalisations des protagonistes et la réalité historique permettra à chacun de mieux appréhender notre Histoire dans toute sa complexité et d’évaluer la possible grandeur et les éventuels méfaits des personnages représentés ou évoqués dans ces statues ou plaques commémoratives;
Décide :
1 : De maintenir les statues, monuments historiques et plaques commémoratives dans l’espace public de la Ville de Bruxelles car les évènements importants de notre passé constituent, en bien ou mal, des éléments importants de notre identité.
2 : D’installer, à côté des statues, monuments historiques ou plaques commémoratives susceptibles de heurter une partie de la population de la Ville une plaque argumentaire historique et pédagogique permettant à chacun de mieux appréhender notre Histoire dans toute sa complexité et d’évaluer la possible grandeur et les éventuels méfaits des personnages historiques ainsi représentés. (…) ».

« Enlever toutes les statues Léopold II »

Ce 26 mai, une pétition a été mise en ligne demandant « d’enlever toutes les statues de Léopold II ». Elle a en quelques jours recueilli 20.000 signatures (elle en comptait 84.000 au moment d’écrire cet article). Cette pétition stipule notamment : « Malgré tout le mépris qu’il a eu pour la vie et le peuple congolais, Léopold II est toujours commémoré dans toute la Belgique. C’est pour ça que nous demandons à la Ville de Bruxelles d’enlever toute statue en hommage à Léopold II. En commençant par celle sur la place du Trône. La Ville de Bruxelles accueille chaque année des millions de touristes et c’est ça qu’on veut leur montrer ! Bruxelles, capitale de la Belgique et de l’Europe compte près de  200 nationalités. En tant que telle cette statue n’y a pas sa place, pas plus qu’ailleurs en Belgique. (…) Nous mettons comme deadline le 30 juin 2020. Le 60ème anniversaire de l’indépendance du Congo (…) ».

Que faire du Boulevard Léopold II ?

Situé sur le territoire des communes de Molenbeek et de Koekelberg, le boulevard Léopold II, où se trouve situé le ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, honore la mémoire d’un responsable de crimes contre l’humanité. Que faut-il en faire ? Le 12 juin, la bourgmestre de Molenbeek, Catherine Moureaux (PS), a proposé l’organisation d’une consultation populaire pour décider d’un éventuel changement de nom : « Cette consultation populaire aurait lieu à l’échelle de la Région bruxelloise vu l’importance de cette artère, qui dépasse les communes concernées directement. Personnellement, j’ai choisi, je suis favorable au changement de nom, je ferai campagne dans ce sens en toute hypothèse. ». Cette proposition, qui aurait le mérite d’ouvrir un large débat citoyen, trouvera-t-elle un écho au niveau régional ? A défaut, n’appartient-il pas aux conseils communaux de Molenbeek et de Koekelberg de prendre leurs responsabilités ?

Proposition de motion introduite par le MR au Conseil communal de la Ville de Bruxelles (extrait)

Ce 22 juin 2020, le Conseil communal de la Ville de Bruxelles a discuté de la proposition de motion ci-dessous (extrait). Cette motion a été rejetée, notamment par les groupes de la majorité ( PS – Ecolo – Défi – Groen – SP.A). Elle a toutefois reçu, outre le soutien du MR, celui des conseillers communaux du VLD, du CD&V, de la N-VA et du cdH (le cdH demandant toutefois, par la voix de M. Bertin Mampaka que l’ordre des 1. et 2. soit inversé).

Point d’appui ou marais ?

Le débat qui s’est tenu ce 22 juin au conseil communal de la Ville de Bruxelles, parallèlement à la discussion parlementaire, donne déjà un avant-goût des termes de la discussion qui suivra l’adoption de la résolution. D’un côté, M. De Lille (Groen) a plaidé, depuis son banc de conseiller communal, pour que la Ville de Bruxelles commande des interventions artistiques sur la statue équestre de Léopold II afin de la transformer en monument décolonial et de susciter le débat public à ce sujet. De l’autre, les conseillers communaux du MR ont déposé un projet de motion demandant le maintien des monuments coloniaux en place sur le territoire de la Ville de Bruxelles ainsi que la pose auprès de ceux-ci de « plaques argumentaires historiques et pédagogiques permettant à chacun de mieux appréhender notre Histoire dans toute sa complexité et d’évaluer la possible grandeur et les éventuels méfaits des personnages historiques ainsi représentés » (Voir encadré 4, p. XX). Au nom de sa majorité, le bourgmestre Philippe Close (PS) a plaidé pour le rejet de la motion, tout en indiquant sa volonté de s’en remettre aux conclusions qui seront adoptées en la matière par la commission spéciale du parlement fédéral) (voir p. XX) et par la région bruxelloise. En attendant ces conclusions, il a indiqué que la Ville de Bruxelles ne prendrait aucune initiative en la matière, rejetant par là-même la suggestion de M. De Lille.

Kalvin Soiresse, premier signataire de la résolution adoptée par le parlement bruxellois, indique que la mise en place du groupe de travail bruxellois ne doit pas empêcher la poursuite des contestations de monuments coloniaux sur le terrain, ni les communes de déjà prendre des initiatives pour décoloniser leur espace public « que du contraire, ce sont ces initiatives qui doivent nourrir le débat », indique-t-il (lire p. XX). Les initiatives parlementaires régionales ou fédérales seront-elles des caisses de résonance et des points d’appuis pour le mouvement social décolonial, qui existe bien sur le terrain mais dont l’ampleur ne doit pas être surestimée, lui permettant d’inscrire sa marque dans les politiques publiques ? Ou bien constitueront-elles un marais de commissions, de groupes de travail et de compromis dans lequel ce mouvement s’enlisera ? A ce stade, les deux évolutions paraissent possibles.

(1) Doc A 192 – 2019 – 2020

(2) Luca Catherine, « Promenade au Congo – Petit Guide anticolonial de Belgique », Aden, 2010 ; Matthew G. Stanard, The Leopard, thes Lion, and the Cock – Colonial Memories and Monuments in Belgium, Leuven university Press, 2019.

(3) M. Stanard, p. 147.

(4) Adam Hochschild, « Les Fantômes du roi Léopold II, Un holocauste oublié », (1998), Ludo De Witte, « L’Assassinat de Lumumba » (1999), voir aussi ; Arnaud Lismond-Mertes, « Le négationnisme belge », Ensemble ! n° 92, décembre 2016, p. 60.

(5) Arnaud Lismond-Mertes, « Une place Lumumba à Bruxelles », Ensemble !, n° 97 septembre 2018, p. 78.

(6) Luc Sels, Rector of KU Leuven, « Values made visible : KU Leuven places bust of Leopold II in storage », 12 juin 2020.

(7) PRB – Doc A- 192 – 2019/2020.

(8) RB – Compte rendu de la séance plénière du 16.07.20

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