décolonisation

« Il faut envisager des transformations radicales »

Kalvin Soiresse (Ecolo) est le premier signataire de la résolution adoptée par le parlement bruxellois concernant la décolonisation de l’espace public. Quelles sont ses attentes ?

En 2016, nous avions déjà rencontré Kalvin Soiresse lorsqu’il était le coordinateur du Collectif mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMLCD) (1). Lors des élections de 2019, il a été élu au parlement bruxellois, sur la liste Ecolo. Premier auteur de la résolution parlementaire « relative à la décolonisation structurelle et inclusive de l’espace public bruxellois dans le cadre d’un travail de dialogue et de mémoire » adoptée en juillet 2020 (2) (lire l’encadré p. XX), nous avons abordé avec lui l’esprit, le contenu de cette résolution ainsi que certaines questions qui se posent pour sa mise en œuvre. Enfin, nous lui avons demandé son avis sur la contestation par certains de la légitimité de son invitation, ce 30 juin, sur les ondes de la RTBF pour réagir à la lettre du Roi Philippe évoquant le passé colonial, au motif qu’il était d’origine togolaise et non congolaise.

« La statue équestre de Léopold II, c’est une statue qu’on ne peut pas rater quand on vit à Bruxelles. »

« Les monuments coloniaux ont contribué à façonner les imaginaires selon des stéréotypes racistes »

« Ce sont des crimes contre l’humanité qui ont été commis au Congo sous l’autorité de Léopold II »

« Contextualiser, ça ne peut se limiter au dépôt de plaques explicatives ».

« La mise en place du groupe de travail ne doit pas empêcher les contestations de monuments sur le terrain. »

Texto : La résolution adoptée par le parlement bruxellois (extraits).

La résolution adoptée le 17 juillet par le Parlement bruxellois stipule que :

« Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, (…)
Soulignant que le but premier de ce travail de décolonisation de l’espace public n’est pas de faire disparaître tout le patrimoine colonial, mais bien de déconstruire l’imaginaire raciste et discriminatoire qu’il véhicule, au moyen de différents outils tels que la contextualisation, la pluralité des mémoires, la création artistique, la muséification, etc. (…) demande au gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale :
– (…) de mettre sur pied un groupe de pilotage comprenant des acteurs associatifs et des universitaires (enseignant·e·s, chercheur·e·s…) représentatifs de la diversité bruxelloise, chargé : de formuler, à l’issue d’un dialogue inclusif, des propositions concrètes et sans exclusive à propos de la place et du traitement des vestiges coloniaux à Bruxelles (…)
– de mener en concertation avec les communes, dans le respect des compétences de chaque entité, notamment en ce qui concerne la gestion des voiries, des infrastructures et des monuments présents dans le patrimoine et les parcs, un travail sans exclusive ni a priori sur les vestiges coloniaux, au moyen de différents outils permettant d’intégrer la compréhension de ces vestiges et de l’histoire dans un combat global contre le racisme, les stéréotypes et les préjugés, ainsi que dans un travail de promotion de la pluralité des mémoires et de féminisation de l’espace public ; (…)
– d’ériger dans l’espace public des infrastructures ou des créations artistiques en hommage à des personnalités dont l’action véhicule des valeurs positives et illustratives de l’antiracisme, de l’anticolonialisme, des droits humains ainsi que des droits des femmes, le choix de ces personnalités étant établi sur la base d’une participation citoyenne (…) ».

Ensemble ! : La résolution parlementaire évoque une nécessité de procéder à une « décolonisation structurelle de l’espace public bruxellois » ? Qu’entendez-vous par là ?

Kalvin Soiresse : Il s’agit d’un sujet sur lequel plusieurs associations travaillent depuis une dizaine d’années, entre autres le Collectif mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMCLD), dont j’ai été le coordinateur avant de devenir mandataire politique. Le parti Ecolo l’a intégré dans son programme et s’est ensuite battu pour qu’il figure dans les accords de gouvernement de la Région bruxelloise et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Finalement, c’est aujourd’hui devenu une thématique qui reçoit une attention politique encore plus large à travers les mobilisations citoyennes qu’elle suscite et l’adoption de cette résolution.

Que vise-t-on ? La colonisation belge a commencé à s’inscrire dans l’espace public belge et bruxellois au début du XXe siècle. Cela reflétait le projet colonial et la volonté politique d’alors de le promouvoir et de le glorifier. La présence de ces monuments et noms de rues a un impact sur les mentalités et c’est bien dans ce but qu’ils ont été créés. Ils ont contribué à façonner les imaginaires selon des stéréotypes racistes qui justifiaient la colonisation, en engendrant ainsi des complexes de supériorité chez les uns et d’infériorité chez les autres. Le tout a perduré jusqu’à aujourd’hui, bien au-delà de la période coloniale, ce qui constitue un contexte propice pour la perpétuation de discriminations que subissent encore actuellement de nombreux Afrodescendants. Le monument colonial bruxellois le plus marquant est sans doute la majestueuse statue équestre de Léopold II, disposée à proximité du palais royal. Là où elle est placée et avec ses caractéristiques architecturales propres, c’est une statue qu’on ne peut pas rater quand on vit à Bruxelles. C’est sans doute celle qui impacte le plus fortement l’imaginaire des Bruxellois quand ils passent devant elle.

L’inscription coloniale dans l’espace public bruxellois va bien au-delà de cette statue. Tout ce quartier du palais est marqué par la colonisation. Sur la place royale, on trouve par exemple une plaque qui rend hommage à l’administration coloniale là où se trouvaient ses bureaux. Un peu plus loin à Etterbeek, il y a le musée du Cinquantenaire et son parc qui contiennent de nombreux monuments et références liés à la colonisation belge, dont le « Monument du Congo » érigé pour rendre hommage à « l’œuvre civilisatrice » des « pionniers » belges de la colonisation, qui comprend notamment l’inscription « L’héroïsme militaire belge anéantit l’Arabe esclavagiste » (le mot arabe a été effacé), mais aussi la statue d’Albert Thys, qui a bâti sa fortune grâce aux entreprises financières qui organisaient l’exploitation du Congo léopoldien. Le quartier des casernes à Etterbeek comprend lui aussi une myriade de noms de rues qui honorent des coloniaux, dont par exemple, l’avenue commandant Lothaire qui est dédiée à une personne dont l’historien belge Pierre-Luc Plasman – à maints égards modéré dans ses jugements – indique qu’elle faisait « régner un régime de terreur » parmi la population locale, allant jusqu’à la crucifixion de femmes et d’enfants. Ou encore l’avenue Général Fivé, où la plaque de « contextualisation » explique que Fivé a participé aux campagnes de Léopold II « contre l’esclavagisme »… Alors qu’aujourd’hui plus personne ne peut soutenir d’une façon crédible, comme la propagande l’affirmait, l’idée que Léopold II se soit engagé dans une croisade humanitaire pour protéger les Congolais de l’esclavage, puisqu’il s’est lui-même allié aux trafiquants d’esclaves au gré de ses intérêts et qu’il a mis en place un régime de réquisition et de travail forcé qui s’apparente à maints égards à la situation qu’il prétendait combattre.

Personnellement, c’est à travers les visites guidées du patrimoine colonial bruxellois que j’ai organisées lorsque que j’étais coordinateur du CMCLCD que j’ai véritablement pu appréhender à quel point la question coloniale était ancrée dans l’espace public bruxellois ainsi que dans les consciences et les histoires familiales de beaucoup. Il n’a pas été rare que des personnes, qui avaient d’abord assisté à une visite silencieusement fondent en pleurs à la fin de celle-ci et me confient tout ce que ça évoquait pour elles. Que ce soit des propos outrageusement racistes tenus dans des réunions de familles par des parents qui ont vécu à l’époque de la colonisation, et que des plus jeunes ont du mal à accepter, des stéréotypes racistes dont ils ont eux-mêmes hérité d’une façon parfois inconsciente, ou encore des situations où les parents s’opposent à l’établissement de relations amoureuses entre leurs enfants et des personnes africaines ou afrodescendantes, etc. Si on explicite les stéréotypes sous-jacents que la propagande coloniale a inscrits dans l’espace public, ces personnes font le lien avec le racisme auxquel elles ont été confrontées. Chez beaucoup d’Afrodescendants, ce patrimoine suscite des sentiments de rage, de révolte, leur donne la « boule au ventre », certains le mettant en relation avec le racisme et les discriminations qu’ils subissent. C’est pour faire changer cette situation que le gouvernement bruxellois, avec le soutien d’une majorité élargie au sein du parlement, a décidé de s’engager pour la décolonisation de l’espace public de la région.

Quel est le contenu de la résolution qui a été adoptée au parlement bruxellois et quel résultat concret espérez-vous qu’elle porte ?

Ce travail parlementaire s’inscrit dans le prolongement de l’accord de gouvernement bruxellois qui, pour la première fois dans l’histoire belge, mentionne explicitement une ambition de soutenir la connaissance de l’histoire coloniale belge et d’initier une réflexion sur les symboles coloniaux présents dans l’espace public. La composante écologiste de la majorité n’y est pas pour rien. Toutefois, la mention de ce sujet dans l’accord ne détaillait pas explicitement comment ce travail serait mené. Depuis mon élection en 2019, je me suis impliqué sur ce sujet à travers différentes questions parlementaires et des rencontres avec des acteurs de terrain. Cela m’a amené à proposer le dépôt d’une proposition de résolution parlementaire qui balise le travail du gouvernement, qui a été écrite avec les groupes de la majorité (PS – ECOLO – Defi – Groen – VLD – SPA). Dans un second temps, ce projet de résolution a été amendé et réécrit avec certains groupes de l’opposition (cdH – CD&V – PTB – PVDA) qui s’y sont ralliés, tandis que le MR s’est abstenu et que seule la N-VA a voté contre.

Quant à son contenu, la résolution parlementaire demande au gouvernement de faire réaliser un inventaire scientifique des monuments et noms de rue liés à la colonisation, afin que le sujet puisse être abordé en pleine connaissance de cause. Elle lui demande de mettre en place un groupe de pilotage, composé à la fois de représentants associatifs et d’experts scientifiques concernés par la problématique, qui soit chargé de remettre au gouvernement des propositions concernant la place et le traitement des vestiges coloniaux ainsi que d’accompagner les communes dans leurs démarches analogues. Nous souhaitons que les Bruxellois.e.s participent à ce débat, et nous avons demandé au gouvernement de soutenir financièrement des initiatives associatives, artistiques ou scolaires qui le font vivre à travers des débats, colloques, expositions, formations, etc.

Concernant le patrimoine colonial, la résolution évoque plusieurs pistes, qu’elle met dans les mains du groupe de pilotage et du gouvernement. Tout d’abord, nous ne sommes pas favorables à ce que l’ensemble de ce patrimoine soit enlevé. Il y a des cas où ce n’est tout simplement pas possible, comme par exemple pour les arcades du Cinquantenaire. En outre, il nous semble qu’il est souvent préférable d’utiliser ce patrimoine pour expliquer ce qu’a été la colonisation belge et pour porter un discours décolonial. C’est en ce sens que les contextualisations nous paraissent une piste à suivre. Mais ça ne peut se limiter au dépôt de plaques explicatives. Pour décoloniser ces monuments, il faut également envisager de demander à des artistes de s’en emparer pour les transformer et en suggérer une lecture critique. Nous pensons également que dans ce travail sur le patrimoine et les noms de rues, la dimension du genre devra être prise en compte afin de mettre fin à l’invisibilisation dont les femmes sont jusqu’à aujourd’hui largement victimes dans ce registre. Enfin, la dimension quantitative du patrimoine devrait également être prise en compte. La propagande coloniale a inondé l’espace public de marques de Léopold II. On en compterait plus de septante en région bruxelloise. Si toutes ne doivent pas disparaître, on devrait pouvoir discuter sereinement de la suppression d’une partie d’entre elles, ainsi que du déplacement de statues dans des musées, etc. C’est, au vu de son passé criminel, ce que la commune d’Ixelles a prévu pour la statue d’Emile Storms. Par ailleurs, le Parlement s’engage à travers cette résolution à organiser, en concertation avec toutes les associations d’Afrodescendants, un évènement pour commémorer les victimes de la colonisation et qui en même temps mette en avant « l’héritage africain de Bruxelles », l’apport positif d’afrosdescendants à notre région.

Comment pensez qu’il faut qualifier Léopold II et les crimes crimes coloniaux commis à l’époque ?

Pour toute cette époque, Léopold II doit être considéré comme le premier responsable des crimes coloniaux, dont certains sont bien des crimes contre l’humanité commis sous son autorité et dans le cadre d’un régime qu’il avait mis en place. Pour s’en tenir à ce seul aspect, les massacres de civils, de femmes et d’enfants qui se sont produits sous la responsabilité de Léopold II ne peuvent qu’être qualifiés de crimes contre l’humanité.

Que faire des noms de rues et des monuments qui le glorifient, à commencer par sa statue équestre et le Boulevard Léopold II ? La résolution n’en dit rien. Peut-on espérer que le groupe de pilotage ou le gouvernement impose un changement radical ?

La résolution parlementaire a une portée générale et ne visait donc pas à proposer des solutions particulières pour l’une ou l’autre situation. Comme indiqué, le minimum est une contextualisation ou une transformation artistique. Personnellement, je ne verrais pas d’un mauvais œil que certaines rues dédiées à Léopold II soit rebaptisées. Ce sera notamment sur base de la participation citoyenne et avec les communes que des solutions devront être trouvées, par exemple pour le Boulevard Léopold II, voirie régionale qui est située sur Molenbeek et Koekelberg. Pour la statue équestre de Léopold II, certains évoquent l’idée d’en faire un mémorial, peut-être faut-il songer à un projet de quartier plus global dans lequel l’intégrer, qui en contextualise l’ensemble des nombreuses traces coloniales…

Différents plaques dites de « contextualisation » ont déjà été placées auprès de statues de Léopold II. Mais ces textes de compromis n’évoquent les crimes léopoldiens que comme des détails de l’histoire ou de façon allusive…

Ça ne peut pas être considéré comme de la contextualisation. Pour décoloniser des monuments et statues réalisées à la gloire de Léopold II, il faut envisager des transformations radicales qui modifient complètement la vision du personnage et l’impact visuel du monument.

Pensez-vous qu’il serait bienvenu d’ériger à Bruxelles une statue figurative qui rende hommage à Patrice Lumumba?

Lumumba a déjà un square à Bruxelles et le mouvement décolonial qu’il a incarné au prix de sa vie ne se réduit pas à sa personne, mais je pense effectivement qu’il mériterait qu’on érige un monument en sa mémoire. Personnellement, ça m’irait bien qu’il s’agisse d’une statue figurative, cependant le débat sur la façon d’honorer sa mémoire est ouvert.

Peu cadré quant à son orientation et hétérogène dans sa composition associative et académique, le groupe de pilotage chargé de formuler des propositions au gouvernement ne risque-t-il pas de servir de caution pour un statu quo ou pour des solutions qui ne soient pas porteuses d’une décolonisation véritable ? Ne risque-t-on pas un encommissionnement de la demande de changement ?

La résolution parlementaire devrait permettre de baliser le travail et l’orientation du groupe de travail. Nous espérons qu’il ira plus loin et formulera des recommandations plus concrètes. Je pense qu’il reviendra à la société civile et aux parlementaires qui se sont impliqués pour l’adoption de cette résolution de contrôler l’action du gouvernement, de suivre ce travail et de vérifier qu’il arrive à bonne fin. Par ailleurs, la mise en place de ce groupe de travail ne doit ni empêcher la poursuite de visites décoloniales, ni les contestations de monuments coloniaux sur le terrain, ni les communes de déjà prendre des initiatives pour décoloniser leur espace public. Bien au contraire, ce sont ces initiatives qui doivent nourrir le débat, tout cela doit avancer dans le même sens.

La résolution parlementaire fait référence aux « victimes de la colonisation » mais sans préciser de quoi il s’agit et sans mentionner aucun responsable. De même, certains proposent aujourd’hui d’ériger dans le quartier royal un monument aux « victimes de la colonisation » sans que ce qui est visé soit très clair. Qu’en pensez-vous ?

Lorsqu’il y a eu des meurtres, des pillages, des viols, etc. ce n’est pas qu’un système qui est en cause, il y a des acteurs et des responsables précis, identifiables, qui commettaient les actes, en bénéficiaient, etc. Pour ce qui concerne l’érection d’un mémorial aux « victimes de la colonisation », je trouve personnellement qu’il serait plus porteur de créer, comme le CMCLD le proposait déjà il y a une dizaine d’années, un institut pour la mémoire de la colonisation qui entretienne la recherche et le débat sur cette question, en partenariat avec les associations existantes. L’une des missions de cet institut pourrait être de documenter les crimes et d’identifier les victimes. Le CMCLD est régulièrement contacté par des personnes dont l’un des aïeux a été victime de la colonisation et qui voudraient en retrouver des traces. Un tel institut pourrait y donner suite. Par ailleurs, j’ajoute que les Congolais, les Rwandais et les Burundais n’ont pas été que des « victimes » de la colonisation, mais qu’il y a notamment eu des résistances à celle-ci et des résistant.e.s. Il ne faudrait pas oblitérer leur souvenir et réduire la mémoire des colonisés à celle de simples victimes passives.

La résolution se termine par la décision d’organiser « un évènement de commémoration des victimes de la colonisation et de célébration des liens qui unissent la Région à son héritage africain » (sic). Or, les liens historiques entre la Belgique et l’Afrique, c’est avant tout la colonisation. Dès lors, prétendre les célébrer en même temps que de rendre hommage à la mémoire des victimes n’est-il pas contradictoire ?

Comme je l’ai dit dans mon intervention au Parlement au moment de l’adoption de la résolution, cette formulation de la résolution, qui a suscité des incompréhensions, est malheureuse. La société civile afrodescendante bruxelloise sera consultée par le Bureau du Parlement avant la conception de cet évènement et il faudra trancher s’il faut en faire un seul ou en faire deux distincts. Par ailleurs, dans notre esprit, nous ne concevons pas du tout la célébration de « l’héritage africain » de la région comme un hommage à son passé colonial. Il s’agit de mettre en lumière l’apport positif des Afrodescendants à notre société, en prenant ainsi le contre-pied de la déclaration de M. Francken (NVA) qui mettait explicitement en doute la « valeur ajoutée » apportée à notre pays par la diaspora congolaise.

Ce 30 juin vous avez été invité à la radio pour réagir aux regrets exprimés par le roi Philippe pour les « blessures du passé ». Cela a valu à la direction de la RTBF de se voir reprocher cette invitation sur base du fait que vous étiez d’origine togolaise et que cette place aurait dû être réservée à une personne d’origine congolaise. S’agit-il d’un évènement purement anecdotique ?

Je ne veux pas polémiquer sur ce sujet, mais je ne pense pas qu’il soit insignifiant. En tant que citoyen, puis en tant que député régional Ecolo, je me suis impliqué sur la question de l’histoire coloniale belge et, avec mon parti, nous avons fait en sorte qu’elle trouve une place dans les accords de gouvernement. De par mon engagement personnel et politique, il me semble que j’étais donc parfaitement légitime pour intervenir publiquement sur ce sujet. J’ajoute que j’étais loin de monopoliser l’antenne ce jour-là, puisque la première invitée de la RTBF, que j’ai croisée dans le studio ce matin même, était Gladys Kazadi, députée cdH d’origine congolaise. Cette remise en cause de ma légitimité pour participer à ce débat au nom de ma nationalité d’origine me paraît en outre une interprétation très particulière de la symbolique de la date de l’indépendance du Congo. Patrice Lumumba était un nationaliste, mais il n’était pas un ethno-nationaliste. C’était également un pan-africaniste et, lorsqu’il termine son discours du 30 juin 1960 par « Vive le Congo indépendant et souverain! », c’est après avoir s’être exclamé « Vive l’indépendance et l’unité africaine! ». Cette remise en cause sur base de mon origine peut paraître un évènement d’importance minime, mais je pense qu’elle exprime l’opposition entre des orientations profondément différentes entre des associations qui regroupent des Afrodescendants, et qu’au-delà elle trouve sa cause dans des intérêts particuliers de groupes particuliers.

(1) Sortir du colonialisme, reconnaître ses crimes, in Ensemble! n° 91, p. 8.

(2) Doc. A – 192 – 2019 – 2020.

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