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Distanciation sociale ou distance de classe ?

Grâce à la crise sanitaire, certains des « invisibles médiatiques » ont retrouvé un visage et une parole. Mais pour parler de quoi ? De leur réalité à eux, ces hors-normes. Monsieur et Madame-tout-le-monde, en revanche, restent presque exclusivement des « Blancs » de la classe moyenne supérieure. Des difficultés de télétravailler dans une belle maison avec jardin…

La crise sanitaire aura au moins eu ce mérite : les médias ont redécouvert les métiers essentiels. Ils ont enfin parlé d’ « eux » : les blouses blanches, les premières lignes, mais aussi les conducteurs de bus, les caissières des grandes surfaces (on me pardonnera ces appellations genrées, qui reflètent toujours la réalité du terrain même si les choses changent, doucement), ces invisibles qui se lèvent tôt pour désinfecter soigneusement nos bureaux et les chambres d’hôpital. Enfin, un peu de diversité sur nos écrans et dans les gazettes, qui nous entretiennent rarement des réalités. Un peu, et pour illustrer la réalité des autres. Qu’il ne faudrait pas confondre avec notre réalité à nous, ou à la réalité de ceux qui composent notre environnement habituel. Notre réalité à nous : la difficulté de concilier télétravail et la garde des enfants, le blues des grands-parents tenus éloignés de leurs petits-enfants, la difficulté de faire ses courses sur internet, la joie des premières retrouvailles familiales à l’occasion de la fête des mères, etc. « A chaque fois ou presque, pour illustrer ces reportages, la RTBF a mis en avant des familles ou des Belges apparemment favorisés, de confortables maisons, des jardins, des schémas familiaux traditionnels… Presque toujours les mêmes profils », observe Simon Bourgeois, journaliste à la RTBF, dans un article publié sur la page Inside de la RTBF (1) et (2).

Des « quidams » qui nous ressemblent

Comment expliquer ce manque de diversité, que les journalistes eux-mêmes reconnaissent ? Tout part, d’abord, d’une bonne intention et du respect d’une règle d’or en matière journalistique. Pour appréhender au mieux un sujet, pour l’ « incarner » à l’écran ou dans un article de journal, les journalistes ne vont pas seulement interroger des experts, des porte-parole ou des représentants politiques : ils vont à la rencontre des témoins qui vivent le sujet. « Pour traiter, par exemple, du congé parental corona, on n’ira pas seulement voir les ministres qui ont porté le projet de loi, la Ligue des Familles ou le porte-parole de l’Onem, poursuit Simon Bourgeois. On privilégiera, en ouverture du sujet un exemple, une famille de Monsieur et Madame-tout-le-monde qui profite de ce congé exceptionnel. » Cela rendra le sujet plus vivant, et permettra aux téléspectateurs – en tout cas à certains d’entre eux – de s’identifier.

Mais comment trouver ces quidams, ces Belges, pris « au hasard », qui délivreront la vox populi, et ce le plus souvent dans l’urgence, sachant que souvent, le sujet sur lequel on envoie le journaliste à 10h du matin devra déjà être diffusé dans les journaux télé et/ou radio de 13h ? Le premier réflexe, c’est d’avoir recours à ses amis, ses connaissances. Dans ce cas, rien de plus simple : on passe un coup de fil à la direction de l’école qui scolarise ses propres enfants, à la maison de repos qui héberge la grand-mère maternelle, ou à ce couple de voisins qui télétravaille tout en gardant sa progéniture. On peut, aussi, se tourner vers ses collègues : « Quelqu’un connaîtrait-il tel profil, tel métier, telle famille vivant telle situation ? » Ou faire appel à ses « amis » sur ses réseaux sociaux : il n’est pas rare que les journalistes utilisent leur page Facebook personnelle pour lancer un appel à témoignage. Comme leurs réseaux sociaux leur ressemblent, rien d’étonnant à ce que la sélection se porte sur des témoins… qui leur ressemblent.

La plupart du temps, les témoins sélectionnés le seront au terme d’un processus qui présentera de sérieux biais de sélection.

Les gens de couleur, par exemple, « on les voit rarement, voire jamais, comme ‘‘un Belge moyen pris au hasard pour illustrer un sujet.’’

Il ne s’agit pas seulement de « faire parler » davantage de gens différents, mais aussi de « parler », en tant que journaliste, de sujets différents.

Biais de sélection

Facilité ? Oui, bien sûr : dans un métier stressant, où l’on travaille le plus souvent dans l’urgence, on tente, quand c’est possible, d’aller au plus simple. « On peut comprendre la tentation de la facilité quand, au-dehors, tout est si compliqué », reconnaît Grégoire Lits, professeur de sociologie des médias à l’Observatoire de Recherche sur les médias et le journalisme (UCL). D’autant que, parfois, trouver le bon profil peut s’avérer difficile : tout le monde n’accepte pas avec enthousiasme de s’exprimer face caméra, ou au micro d’un journaliste. Là où quelques personnes y verront l’opportunité de se mettre en avant, de « passer à la télé », de nombreuses autres n’y verront qu’une source de stress ou de gêne, et se déroberont. Parfois donc, les journalistes n’ont d’autre choix que de faire appel à leur environnement s’ils veulent réussir à boucler leur sujet dans les temps.

La plupart du temps, les témoins sélectionnés le seront au terme d’un processus qui présentera de sérieux biais de sélection : le risque de l’entre-soi est omniprésent. « Souvent, cet entre-soi est inconscient, insiste Safia Kessas, journaliste, responsable égalité et diversité à la RTBF. Le changement vers plus de diversité passe donc par la prise de conscience : il faut que les journalistes prennent conscience des représentations du monde qu’ils diffusent car, s’il fallait les croire, la société belge ne compterait par exemple que 37% de femmes, pour ainsi dire aucune personne porteuse d’un handicap, et fort peu de gens issus de la diversité ! »

Quand on parle des personnes d’origine différente, c’est la plupart du temps pour parler de leurs difficultés d’être « autres »
Quand on parle des personnes d’origine différente, c’est la plupart du temps pour parler de leurs difficultés d’être « autres »
Mieux vaut avoir une belle maison pour passer en tant que « Belge moyen » à la télé : le risque de l’entre-soi.
Mieux vaut avoir une belle maison pour passer en tant que « Belge moyen » à la télé : le risque de l’entre-soi.

Chacun dans son rôle

Les choses, pourtant, évoluent. Doucement, mais elles évoluent. On voit, on entend, de plus en plus de profils différents sur les plateaux de télé et à la radio : des familles d’origine étrangère, des personnes homosexuelles, défavorisées, jeunes ou âgées, chômeuses, porteuses d’un handicap, etc. Mais, « quand on montre la diversité, nuance Simon Bourgeois, c’est le plus souvent dans des rôles attendus et stéréotypés : une famille maghrébine dans un sujet sur les difficultés de vivre à huit confinés dans un petit appart. Des personnes noires dans un sujet sur la colonisation ou les violences après la manif du 7 juin dernier. Des personnes à mobilité réduite dans un sujet sur les trains inaccessibles aux chaises roulantes. Des homosexuelles dans un sujet sur la discrimination à l’embauche, etc. On ne les sollicite pas ces personnes, ou très peu, sur des sujets dans lesquels elles auraient une autre casquette que celle assignée par leur condition sociale, leur couleur de peau ou leur identité sexuelle. On les voit rarement, voire jamais, comme ‘‘un Belge moyen pris au hasard pour illustrer un sujet.’’

Sofia Kessas incarne la diversité à la RTBF

Pour la responsable de l’égalité et de la diversité à la RTBF, la diversité sur les écrans et à l’antenne ne s’impose pas : c’est une intelligence collective à construire ensemble.

Safia Kessas a entamé sa carrière de journaliste radio et télé à la RTBF en 2000, après des études en politique internationale et en politique européenne et avoir travaillé un temps comme experte en désarmement. Dans la chaîne publique, elle s’intéresse surtout à la question des replis communautaires et religieux. On lui doit notamment les documentaires « Dans les yeux de ma mère », « La Shariah avant les bœufs » et « Dans ma rue ». En 2018, après une immersion d’un an dans un lycée professionnel de Laeken, elle réalise, avec Joël Franka, « Section professionnelle », une série documentaire consacrée à la jeunesse bruxelloise. Tout récemment, elle s’est intéressée à la réalité d’une jeune mère de famille revenue de Syrie, dont elle a fait un film très fort, « Le prix de la déraison ». Elle tient aussi régulièrement des chroniques sur les ondes de Matin Première (« La grenade de Safia Kessas »), dans lesquelles transparaît son engagement contre les inégalités et les discriminations. Dès 2015, elle a impulsé à la RTBF une réflexion sur le manque de visibilité des minorités et des femmes au sein du média de service public. Deux ans plus tard, devient responsable d’une cellule Diversité et Egalité au sein de l’entreprise. Au menu, notamment, l’organisation de formations de sensibilisation pour les journalistes, et la mise sur pied d’un baromètre de la diversité. En 2019, elle crée la plateforme digitale Les Grenades (https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades), qui donne la parole aux femmes sur des sujets qui touchent à l’égalité, au féminisme, à la diversité, à l’altérité (1).

« Les médias mainstream tournent parfois en boucle depuis trop longtemps avec les mêmes sujets, les mêmes experts, les mêmes visages », estime Safia Kessas,journaliste, responsable égalité et diversité à la RTBF. Il faut introduire dans tout cela davantage de diversité. Mais la diversité ne s’impose pas. Il s’agit d’une sorte d’intelligence collective : tout le monde doit comprendre l’importance et l’intérêt de se mettre au diapason de la diversité. Il faut travailler sur la culture, les biais inconscients. Nous voyons le monde au travers de nos prismes, on baigne dans les stéréotypes : pour bien comprendre, il faut les déconstruire. Et cela ne se fait pas nécessairement ‘‘tout seul’’ : c’est pourquoi, à la RTBF Academy, nous proposons des formations à la diversité. D’autres outils existent, qui facilitent le travail des journalistes soucieux de donner une représentation de la société plus large, et donc plus fidèle. Expertalia, par exemple : cette base de données alimentée conjointement par l’Association des Journalistes Professionnels (AJP) et la RTBF recense des expertes femmes de tous horizons, et aussi des experts issus de la diversité, pour varier les sources et ne pas toujours faire entendre les mêmes personnes sur les mêmes sujets.
Les structures organisationnelles des médias doivent, elles aussi, penser ‘‘diversité’’. Quand je vois les rédactions des journaux, par exemple, je trouve qu’à la RTBF nous ne nous positionnons pas si mal. Beaucoup de rédactions sont encore des bastions masculins, et des bastions très ‘‘blancs’’. La RTBF s’en sort plutôt bien : elle compte plusieurs journalistes connus issus de la diversité. Cela dit, la problématique de la diversité ethnique dans les salles de rédaction fait partie d’une problématique plus large, liée notamment aux milieux des élèves qui fréquentent l’université. Dans les auditoires de journalisme, il y a plus de jeunes hommes que de jeunes femmes, et très peu de personnes d’origine étrangère (- de 5%). Mais à la RTBF, nous sommes bien conscients qu’il y a encore une marge de progression, et on y travaille. La plateforme digitale Les Grenades, lancée en mars 2019 à mon initiative, donne la parole aux femmes, sur des sujets qui touchent à l’égalité, au féminisme, à la diversité, à l’altérité. La RTBF est le seul média belge à faire cela. »

Safia Kessas a entamé sa carrière de journaliste radio et télé à la RTBF en 2000, après des études en politique internationale et en politique européenne et avoir travaillé un temps comme experte en désarmement. Dans la chaîne publique, elle s’intéresse surtout à la question des replis communautaires et religieux. On lui doit notamment les documentaires « Dans les yeux de ma mère », « La Shariah avant les bœufs » et « Dans ma rue ». En 2018, après une immersion d’un an dans un lycée professionnel de Laeken, elle réalise, avec Joël Franka, « Section professionnelle », une série documentaire consacrée à la jeunesse bruxelloise. Tout récemment, elle s’est intéressée à la réalité d’une jeune mère de famille revenue de Syrie, dont elle a fait un film très fort, « Le prix de la déraison ». Elle tient aussi régulièrement des chroniques sur les ondes de Matin Première (« La grenade de Safia Kessas »), dans lesquelles transparaît son engagement contre les inégalités et les discriminations.
Dès 2015, elle a impulsé à la RTBF une réflexion sur le manque de visibilité des minorités et des femmes au sein du média de service public. Deux ans plus tard, devient responsable d’une cellule Diversité et Egalité au sein de l’entreprise. Au menu, notamment, l’organisation de formations de sensibilisation pour les journalistes, et la mise sur pied d’un baromètre de la diversité. En 2019, elle crée la plateforme digitale Les Grenades (https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades), qui donne la parole aux femmes sur des sujets qui touchent à l’égalité, au féminisme, à la diversité, à l’altérité (1).

(1) Source : Axelle Mag – https://www.axellemag.be/parole_de/safia-kessas

Jean-Pierre Jacqmin, directeur de l’info à la RTBF : « La diversité, ça se travaille, ça se laboure. »

« A la RTBF, la nécessité de refléter la société belge dans toute sa diversité s’est imposée avec force aux journalistes en juillet 2013, à l’occasion de la passation du pouvoir royal des mains d’Albert à celles de Philipe : si je devais dater le démarrage de la prise de conscience collective, ce serait cette date-là que je retiendrais. Depuis lors, nous ne cessons de travailler là-dessus, de manière dynamique, proactive. Il s’agit d’une réflexion et d’un travail éditorial profonds, pas uniquement cosmétiques. Il ne s’agit pas non plus d’imposer des quotas – ‘‘il nous faut autant de personnes d’origine étrangère dans le JT, autant de femmes, etc.’’ – non, pas question de cela. Ce qui importe, c’est que les auditeurs et les téléspectateurs se retrouvent dans les sujets que nous leur proposons. Je dis bien ‘‘qu’ils s’y retrouvent’’, et non pas ‘’qu’ils s’y voient’’ : je parle de l’importance de la représentation, et la représentation n’a rien à voir avec l’info miroir. »

Le petit Mohamed

Ainsi, un article paru sur le site info de la RTBF après avoir fait l’objet d’un sujet au JT, le 4 juin dernier. Mohamed, qui vit avec deux parents et ses quatre frères et soeurs dans un petit appartement à Cureghem, un quartier défavorisé d’Anderlecht, témoigne de la difficulté de confiner dans ces circonstances, et aussi de garder le lien avec l’école (3). Loin de nous, bien sûr, l’idée de suggérer qu’il faudrait passer sous silence les difficultés de ce jeune et de sa famille, qui illustre la situation précaire de milliers d’autres adolescents et les raisons du décrochage scolaire à l’heure de l’école en ligne. « Le problème, estime Sarah Sepulchre, professeure des médias à l’UCL et spécialiste des questions de représentations, c’est que, lorsqu’on voit de la diversité dans les informations, c’est lorsque la personne est elle-même sujet de l’info, et qu’elle n’intervient pas pour témoigner dans des sujets généraux. » (4) Autrement dit : les pauvres pour parler des conditions de vie des pauvres, les classes moyennes précaires pour témoigner dans un sujet sur les Gilets jaunes, les personnes d’origine étrangère pour confier les discriminations dont elles sont l’objet et/ou du décrochage scolaire, les Noirs sur un sujet qui a trait au colonialisme, ou aux particularités d’un quartier comme Matongé,les handicapés pour parler de la mobilité inadaptée, les femmes dans leur vécu d’infirmière, d’éducation des enfants ou de lutte féministe, etc. Les sujets « généraux », eux, on préférera trouver, pour les illustrer, une famille « belge, blanche, moyenne », c’est-à-dire – en caricaturant un brin – celles qui ont une belle maison avec jardin et de gentils enfants. Renvoyant ainsi aux autres, à tous les autres, l’image qu’ils ne sont pas ces Belges que les journalistes se représentent comme « moyens » puisqu’ils leur ressemblent.

Nous sommes tous égocentrés

« Les médias font partie de la société et coconstruisent les stéréotypes en étant parfois dans une forme de vase-clos », appuie Safia Kessas.De ces autres, de ces pas pareils à nous journalistes, « on en parle comme s’il s’agissait d’une catégorie en marge de la norme sociale constituée, elle, des catégories socioprofessionnelles supérieures, au sommet des échelons socioculturel et socioéconomique, observe Marc Sinnaeve, chargé de cours à l’école de journalisme Ihecs.La norme, ce n’est pas ‘‘eux’’, c’est ‘‘nous’’, ce ‘‘nous’’ étant implicite. Ceci est produit par une vision de classe à laquelle les journalistes participent, le plus souvent de façon inconsciente, et qui imprègne donc largement les médias mainstream. »

« Notre cerveau traite l’information de manière partiale et partielle, souligne Sabri Derinöz, chercheur sur les questions de diversité dans les médias. Acceptons que notre empathie est délimitée par notre propre expérience : on ne se met pas à la place des autres mais on projette sur les autres notre propre vécu pour en interpréter le ressenti. Non, nous ne sommes pas des êtres à la rationalité toute puissante et oui, nous sommes profondément égocentrés. » (5)

La vraie diversité : une révolution culturelle

« Il ne suffit donc pas de montrer de la diversité, il faut encore faire attention à ce qu’on en montre et ce qu’on en dit, insiste Safia Kessas. Il ne faut pas raconter la société en renvoyant ces ‘‘autres’’ à leurs différences apparentes. Il est important de ne pas porter un regard paternaliste sur la diversité. La vraie diversité, c’est de, par exemple, faire intervenir des Noirs dans des sujets qui concernent tout le monde, faire entendre leur voix comme celle de n’importe quel autre Belge. A l’occasion de la fête des pères, le 16 juin dernier, on a fait un petit sujet pour le JT : on y a vu un papa afro-descendant parler de sa réalité de papa, aux côtés de sa femme ‘‘blanche’’. Il parlait de lui en tant que père, avec ses problèmes de papa comme tous les autres papas, et pas en tant que père afro-descendant. Cet homme était noir, et sa femme blanche, et leurs enfants métis ; mais cela n’avait aucune importance : c’était juste des parents comme les autres : c’est cela, la diversité inclusive. »

Le choix des sujets, le contenu-même de l’info, doit lui aussi être revisité : les centres d’intérêt du « Belge moyen » ne correspondent pas nécessairement à ceux des « autres ». « Il faut encourager des contenus qui mettent en avant des métiers et des parcours de vie différents de ceux habituellement valorisés par la ‘‘norme’’ médiatique, nous confie un responsable de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Il faut que les médias parlent davantage de tout le monde, de toutes les facettes de la société : il ne s’agit pas seulement de ‘‘faire parler’’ davantage de gens différents, mais aussi de ‘‘parler’’, en tant que journaliste, de sujets différents. Cela ne veut pas dire qu’il faut faire davantage d’info ‘‘populaire’’, mais bien qu’il faut traiter, de manière qualitative, de la vie de tous les Belges. »

Le risque, sinon, c’est que les médias passent à côté de l’évolution de la société, et que le miroir qu’ils lui tendent apparaisse de plus en plus déformant. « Les femmes et les personnes issues des minorités dites visibles n’ont pas la même socialisation car elles ne font pas partie du groupe des dominants, insiste Kessas. Elles vont donc avoir un point de vue sur la société, la politique, l’économie, qui ne va pas être le même, d’où l’importance de les écouter pour être en phase avec la société. Sinon, on parle à une audience de plus en plus limitée et, à un moment, ces personnes n’ont plus besoin de nous. » (6)
Car, comme le conclut Sabri Derinöz, « un monde éludant l’existence de groupements humains dans leur diversité pousse à scinder un espace d’entente commun et empêche la construction d’un vivre-ensemble où l’intégralité des citoyens a sa place. » (7)

(2) « Sur la page Inside de la rédaction, explique la RTBF, les journalistes de l’info quotidienne prennent la plume – et un peu de recul – pour dévoiler les coulisses du métier, répondre à vos questions et réfléchir, avec vous, à leurs pratiques. » https://www.rtbf.be/info/inside

(3) Mohamed vit à Cureghem, un quartier défavorisé d’Anderlecht, à 7 personnes dans un petit appartement – 70m2 « à tout casser ». https://www.rtbf.be/info/societe/detail_mohamed-12-ans-on-vit-a-sept-dans-70m2-alors-faire-ses-devoirs-c-est-difficile?id=10514842

(4) Faut-il avoir une belle maison pour passer dans un reportage de la RTBF ? Op. cité.

(5) Préface, par Sabri Derinöz, du livre Peau noire, médias blancs. Stigmatisation des Noirs et de l’Afrique dans la presse belge et française, DjiaMambu, Ed. Kwandika, 2017, pp. 11 à 13.

(6) Lire à ce sujet « Notre info, si blanche… pourquoi et comment mieux incarner la « diversité » ?, de Sylvia Falcinelli, journaliste à la RTBF https://www.rtbf.be/info/medias/detail_notre-info-si-blanche-pourquoi-et-comment-mieux-incarner-la-diversite?id=10108164

(7) op. cité en référence (5)

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