dossier élections 2024

De bons salaires et une bonne protection sociale

Supprimer ou maintenir l’indexation de salaires ? Multiplier les sous-statuts ou les supprimer? Traquer ou régulariser les sans-papiers ? Autant d’enjeux des élections de 2024.

La crise du Covid 19 a mis en lumière l’importance pour y faire face des systèmes de soins de santé et de Sécurité sociale. Le large accès à notre réseau de soins a été essentiel pour limiter les impacts sanitaires de la crise. Les effets de certains manques se sont également fait sentir. De même, au niveau économique, le chômage (notamment temporaire) a amorti la perte de revenu pour des centaines de milliers de personnes qui avaient été privées de leur emploi du fait de la crise, empêchant ainsi l’économie tout entière de sombrer dans une spirale récessive de licenciements et de baisse de la demande. Idem, lors de la crise des prix de l’énergie de 2022, l’indexation automatique des salaires et des allocations a elle aussi joué un rôle essentiel pour amortir son impact et préserver le pouvoir d’achat. La solidarité, qui peut s’organiser de façon optimale au niveau de l’État fédéral, a montré son importance pour préserver tant que faire se peut le bien-être de tous, et des plus faibles en particulier. Inversement, la régulation par le marché a ses limites pour faire face à ces crises. Endiguer une épidémie ou faire face à une explosion des prix, nécessite une intervention étatique forte pourvue d’instruments adéquats.

Défendre l’indexation des salaires

La Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), qui pèse souvent lourd par rapport au contenu des programmes des gouvernements lorsque des partis de droite y participent, poursuit néanmoins son offensive néolibérale et veut remettre en cause nos acquis sociaux et poursuivre la démolition de l’État social. Elle défend pour les élections de 2024 un projet ambitieux de casse des salaires, des conditions de travail et de la Sécurité sociale. A lire son mémorandum préélectoral, celle-ci propose en effet rien moins que : la suppression de l’indexation automatique des salaires et des allocations, la régionalisation des allocations de chômage après deux ans ainsi qu’un surcroît de flexibilité dans l’organisation du travail, ce qui passe selon elle par un recul de la place reconnue aux organisations syndicales. L’avenir qu’elle souhaite est clair : une société modelée par et pour la recherche du profit et de l’accumulation du capital.

La FEB défend un projet ambitieux de casse des salaires, des conditions de travail et de la Sécurité sociale.

Selon ses termes : «  Notre marché du travail est une forteresse qui protège principalement les insiders et exclut les outsiders. Divers seuils (droit du licenciement, protection rigide des travailleurs conduisant à une cage dorée, coûts salariaux exorbitants pour les entreprises, différence trop faible entre chômage et travail) font qu’il est très difficile pour les outsiders de trouver un emploi. ». (1) La FEB précise : « afin de maintenir structurellement la compétitivité des entreprises et de renforcer la création d’emploi dans le secteur privé, l’indexation automatique des salaires sera supprimée d’ici 2030 et remplacée par une négociation interprofessionnelle bisannuelle sur l’augmentation de l’enveloppe globale de rémunération des travailleurs, c’est-à-dire à la fois l’ajustement du pouvoir d’achat et l’augmentation des salaires réels. Dans un tel contexte, sans automatismes dans la formation des salaires et avec l’élimination du handicap, la loi actuelle sur la norme salariale pourra également être supprimée ». (2) Le but étant, pour la FEB, de faire baisser de 10 % les coûts salariaux belges par rapport à ceux des principaux partenaires économiques d’ici 2030. La FEB se positionne également en faveur d’une régionalisation de nouveaux pans de la Sécurité sociale : « certaines parties du secteur des soins de santé sont mieux gérées au niveau régional, voire local. Le chômage de longue durée (plus de deux ans par exemple) devrait également être géré au niveau régional, avec la responsabilisation que cela implique et les objectifs nécessaires à poursuivre » indique-t-elle. (3)

Nos premières demandes de positionnement aux partis francophones concernent donc ces propositions de la FEB (Lire ici). Sont-ils prêts à défendre l’indexation automatique des salaires et des allocations ? S’opposent-ils à une régionalisation d’une partie de la Sécurité sociale ? Tout recul en la matière porterait des coups très graves à notre État social et aux acquis sociaux des travailleurs et des travailleuses.

Combattre les sous-statuts

De plus en plus de travailleurs et de travailleuses se trouvent actuellement mis au travail dans des sous-statuts qui les maintiennent dans des situations de pauvreté ou de précarité bien qu’ils ou elles travaillent. La situation la plus extrême est celle des travailleurs sans papiers, que l’absence de régularisation confine dans le travail au noir, en dehors de tout système de protection du travail et de protection sociale. Mais il y a également toute une série de sous-statuts que les pouvoirs publics tolèrent, soutiennent ou organisent eux-mêmes : les travailleurs de plate-forme, le travail intérimaire, les travailleuses en titres-services, les jobs étudiants, des « articles 60 » sous-payés, etc.

Si elles le souhaitent, les majorités en place – au niveau fédéral mais aussi dans certains cas au niveau régional – pourraient agir pour garantir la qualité des emplois et faire en sorte que ceux-ci offrent des conditions de travail permettant à tous et toutes de sortir de la précarité et d’accéder au bien-être. A commencer par le fait de ne plus octroyer de subventions pour ce type d’emplois.

Mettre fin aux voitures de société

Enfin, s’agissant de faire rentrer de l’argent dans les caisses de la Sécurité sociale, nous avons également interpellé les partis sur deux mesures qui nous paraissent évidentes en termes d’équité et de justice sociale : soumettre l’ensemble du travail dans le secteur marchand au paiement de cotisations sociales et supprimer l’exonération fiscale des voitures de société, qui est particulièrement injuste socialement (elle ne bénéficie qu’à une petite partie des salariés ayant une voiture de société) mais est également environnementalement complètement en porte-à-faux avec les objectifs climatiques, poussant à une surconsommation de véhicules individuels.

(1) FEB, Horizon Belgique 2030, mai 2022, p. 51.

(2) Ibid, p. 53.

(3) Ibid, p. 80.

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