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Dire non à l’UE néolibérale

L’Union européenne (UE), telle qu’elle existe, sape les solidarités sociales et les démocraties représentatives organisées au niveau national. Stop ou encore ?

En 2005, le Collectif solidarité contre l’exclusion avait animé, avec l’association Attac Wallonie-Bruxelles, une plate-forme contre le projet de constitution européenne, alors à l’ordre du jour. L’appel à « dire non » que nous diffusions était motivé par notre opposition à ce projet pour l’Europe « totalement organisé autour d’un principe unique : le marché, la généralisation de la concurrence ». Principe qui, disions-nous, « autorise et organise l’attaque contre les services publics, contre les pensions, l’incitation à l’allongement de la durée du travail et sa flexibilisation, l’encouragement à la régression sociale dans chacun des pays de l’Union européenne ». (1)

Nous refusions que ce traité constitutionnel soit adopté en notre nom, indiquions-nous :

  • parce qu’il entérine une vision ultralibérale de l’économie et de l’avenir de l’Europe, fait du « principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée » le guide et la valeur suprême de l’action de l’Union européenne (UE) et interdit ainsi tout véritable débat futur sur ses orientations économiques et sociales ;
  • parce qu’il enterre le projet d’une Europe sociale, notamment en interdisant toute restriction à la libre circulation des capitaux, en confirmant l’indépendance de la Banque centrale européenne, en soumettant toute harmonisation sociale et fiscale à la règle paralysante de l’unanimité, favorisant ainsi la régression sociale, le dumping et les délocalisations ;
  • parce qu’il ne reconnaît pas les droits sociaux fondamentaux (droit au travail, droit aux revenus de remplacement, au minimum d’existence, au logement…) comme des droits effectifs dont l’Union européenne doit assurer le respect, mais comme de simples objectifs à atteindre. Il ne reconnaît pas non plus le droit de grève européen ;
  • parce qu’il ne donne pas un cadre satisfaisant pour l’avenir des services publics et au contraire entérine l’offensive menée contre ceux-ci dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), qui vise leur démantèlement ;
  • parce qu’il inscrit l’Union européenne dans une étroite collaboration avec l’OTAN et l’engage dans une escalade des budgets militaires (…).

La conclusion de notre appel était malheureusement prémonitoire : « Laisser l’Europe actuelle continuer sur sa lancée favorise l’essor dangereux des populismes réactionnaires et de l’extrême droite xénophobe ».

Une démolition de l’État social qui fait le lit de l’extrême droite

Bien que le « non » l’ait emporté aux référendums organisés en France et aux Pays-Bas, le contenu du traité constitutionnel (rebaptisé « traité de Lisbonne ») a néanmoins in fine été adopté en 2007, par un tour de passe-passe démocratique auquel l’UE est accoutumée. Depuis lors, l’Union européenne a continué à imposer ce cadrage macro-économique néolibéral. Avec pour conséquence la démolition progressive de l’État social tel qu’il avait été développé au niveau national depuis la Seconde Guerre mondiale ainsi que le recul ou la quasi disparition des partis sociaux-démocrates (en France, en Italie, aux Pays-Bas, en Grèce…). Ce qui, comme nous l’avions craint, a ouvert un boulevard aux partis d’extrême droite, qui reviennent à l’avant-plan de la scène politique dans de nombreux pays européens (Italie, France, Pays-Bas, Allemagne, Belgique…). Parallèlement l’UE, qui se présentait naguère comme une garante de la paix, se métamorphose en projet militaire, dans le cadre d’une dynamique de confrontation armée inter-impérialiste avec la Russie, si pas avec la Chine.

Aujourd’hui, alors que l’UE avait suspendu son carcan austéritaire sur les finances publiques des États durant les crises du Covid et de l’énergie, elle entend le réinstaurer et imposer aux États de nouvelles cures d’austérité. Selon les estimations qui circulent, les nouvelles règles budgétaires européennes qui viennent d’être adoptées (avec le soutien du gouvernement De Croo) imposeraient une diminution des déficits budgétaires publics de 5 % du PIB d’ici 2031, soit environ 30 milliards d’euros. Chaque année, il faudra « trouver » 4,4 milliards supplémentaires, via la hausse des recettes ou la réduction des dépenses. Les idées avancées par M. De Wever donnent un avant-goût de ce que cela pourrait signifier : « Nous voulons économiser des milliards sur les prestations sociales : les revenus d’intégration ont été augmentés de 12% au-dessus de l’index, de sorte qu’ils peuvent maintenant avaler quelques sauts d’index. Les pensions les plus élevées augmenteront moins vite et nous voulons abolir la péréquation de celles des fonctionnaires. ». (2)

Le premier positionnement que nous avons demandé aux partis politiques concernant les politiques européennes a donc trait à leur refus ou leur acceptation de cette politique de « gouvernance budgétaire » austéritaire de l’UE ainsi qu’à l’autonomie de la Banque centrale européenne (BCE), qui s’oppose à sa mise au service de politiques de relance.

Détachement, élargissement, libre échange

Nous avons également interpellé les partis par rapport au maintien de l’organisation du détachement intra-européen des travailleurs, qui organise l’envoi temporaire des travailleurs par une entreprise pour effectuer un travail dans un autre pays de l’UE. Un système scandaleux qui organise à la fois l’exploitation des travailleurs détachés (cadences inhumaines, salaires minimaux…) et la mise en concurrence des travailleurs nationaux avec ceux-ci dans des conditions qui cassent le niveau des salaires.

Actuellement neufs États sont officiellement candidats à l’adhésion : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie, l’Ukraine et la Turquie. Ces pays ont un PIB par habitant qui va d’environ 3.400 dollars (pour l’Ukraine, 40.000.000 d’habitants) à 13.400 dollars (pour la Turquie, 85.000.000 d’habitants), tandis que le PIB par habitant dans l’UE actuelle est d’environ 35.000 dollars. Les conséquences prévisibles de ces adhésions (si elles aboutissent) sur les salaires, les délocalisations d’entreprises et les protections sociales au niveau de l’UE paraissent peu réjouissantes. Nous avons donc demandé aux partis s’ils étaient prêts à conditionner les nouvelles adhésions à un renforcement des normes de protection sociale au niveau de l’UE ou à une augmentation du niveau de vie dans les pays candidats.

Enfin, vu l’absurdité manifeste qu’il y a à imposer des normes environnementales aux productions au sein de l’UE si les mêmes produits peuvent être importés en dépit du non-respect de ces normes à partir d’un pays tiers, nous avons demandé aux partis s’ils étaient ouverts à l’introduction de clauses sociales et environnementales dans les accords de libre échange ainsi qu’à la mise en place de droits de douane qui tiennent compte de critères sociaux et écologiques.

(1) « Dire non au traité constitutionnel pour construire une autre Europe ! », Journal du Collectif n°47, janvier 2005.

(2) L’Écho, 30.04.2024.

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