dossier élections 2024

Le chômage et l’aide sociale dans les programmes des partis flamands

Un parti fasciste, un bloc de la N-VA à Vooruit qui veut poursuivre la casse de l’assurance chômage puis Groen et le PVDA qui la défendent. Voilà en résumé l’offre politique flamande en juin 2024 concernant le chômage et le droit à l’aide sociale.

Les CPAS et les communes, en particulier en Wallonie, ne pourraient pas supporter un tel afflux de demandes, tant sur le plan financier qu’humain ou même logistique.
Les CPAS et les communes, en particulier en Wallonie, ne pourraient pas supporter un tel afflux de demandes, tant sur le plan financier qu’humain ou même logistique.

Que proposent, dans leur programme électoral, les partis flamands pour l’avenir de l’assurance chômage et de l’aide sociale ? Nous avons tenté de répondre à cette question à travers deux tableaux qui synthétisent les résultats de notre analyse, l’un concerne l’assurance chômage (Lire ici), l’autre l’aide sociale (Lire ici). Des explications plus détaillées sur les positions de chaque parti sont fournies dans le texte lui-même.

De grandes différences aux extrémités du spectre politique

D’un côté le Vlaams Belang (VB), futur premier parti flamand selon les sondages, inscrit toute son approche de la protection sociale dans le cadre d’une vision raciste de la société. A savoir, selon ses termes, qu’il faut se «  débarrasser de l’immigration de masse, qui fait affluer dans notre pays la pauvreté du monde entier, au détriment de nos populations pauvres » et que « la première responsabilité du gouvernement est de prendre soin de ses propres citoyens, de son propre peuple. Non pas par haine envers les étrangers des autres pays, mais par amour pour notre peuple. ». (1) Notons que les Belges francophones ne sont pas non plus inclus dans le « propre peuple » du VB qui est le seul « peuple flamand ». Nous avons réalisé une analyse spécifique du programme de ce parti, que nous présentons séparément. (Lire ici) A l’autre extrémité du spectre politique, notamment concernant son programme social, se trouve le PVDA, c’est-à-dire le PTB sous son appellation flamande, auquel les sondages prédisent une progression qui le ferait sortir de la marginalité au nord du pays. Le PVDA coche toutes les cases de la défense du droit au chômage et du droit à l’aide sociale. Si la progression électorale de ce parti prévue en Flandre se confirme en juin, cela sera un démenti cinglant à l’idée avancée par certains qu’on ne peut gagner des élections au nord du pays qu’en tapant sur les chômeurs et autres allocataires.

Quatre nuances de droite

Le paysage flamand reste cependant très marqué à droite. Notre tableau montre, ce qui pourrait être une surprise pour certains, que Groen se trouve sur les questions sociales plus proche du PVDA que de Vooruit (l’ex Socialistische Partij), qui n’a manifestement toujours pas rompu avec l’orientation sociale-libérale qu’il avait adoptée au début des années 2000 et qui a connu une nouvelle vigueur sous la présidence de Conner Rousseau. Pour ce qui est du CD&V, le poids de l’ACW (acronyme en néerlandais du mouvement ouvrier chrétien) n’est plus vraiment discernable dans son programme sur ces matières. Un symptôme majeur de l’évolution (négative) de ces deux partis est leur ralliement à l’idée d’une limitation dans le temps des allocations de chômage, alors qu’aux élections de 2019 ils s’y opposaient encore (pour les personnes qui ont ouvert leur droit sur la base du travail). (2) Parmi les nouvelles peu réjouissantes, on notera également l’engouement du côté du VLD et de la N-VA pour les idées de plafonnement des aides sociales et de « responsabilisation » des CPAS par rapport à leurs résultats en matière de mise à l’emploi, sans oublier l’enthousiasme, également partagé par le CD&V, pour les idées de service communautaire (jobs sous-payés voire gratuits) à destination des allocataires sociaux. On reconnaîtra là une certaine forme de cohérence à ces partis. Pour pousser un maximum de personnes à accepter de travailler dans les conditions de salaire les plus basses et de flexibilité les plus hautes, il ne suffit pas de leur couper les allocations de chômage, il faut encore éviter qu’un grand nombre d’entre elles puissent accéder à l’aide sociale et rendre ces dernières allocations suffisamment basses et/ou conditionnelles pour que les bénéficiaires soient prêt.e.s à tout pour en sortir.

Un parti fasciste, un bloc de la N-VA à Vooruit qui veut poursuivre la casse de l’assurance chômage puis Groen et le PVDA qui la défendent.
Un parti fasciste, un bloc de la N-VA à Vooruit qui veut poursuivre la casse de l’assurance chômage puis Groen et le PVDA qui la défendent.

N-VA : haro sur les chômeurs

Dans son programme (3), la N-VA s’en prend de façon virulente aux chômeurs. Tout d’abord, elle veut limiter les allocations de chômage dans le temps, en insistant sur son « incongruité au niveau international », sans tenir compte des systèmes de fins de droit existant dans d’autres pays. Concrètement, la N-VA propose que, dans une première phase, l’allocation soit plus élevée pour refléter plus fidèlement le salaire précédent, mais durant une période limitée à deux ans maximum (la durée exacte étant calculée en fonction du nombre d’années travaillées auparavant). Elle dit vouloir accorder « une attention prioritaire à la réactivation vers un nouvel emploi (et ce jusqu’à l’âge de la pension légale) », ce qui revient à renforcer les dispositifs de disponibilités active et passive et les sanctions qui l’escortent. Si cette « réactivation » ne mène pas « vers un nouvel emploi », donc si « ça ne marche pas », la N-VA prévoit une deuxième phase, limitée à maximum un an, qui consisterait en « une allocation forfaitaire, couplée à une formation et à des conseils appropriés visant à trouver un nouveau travail ». La N-VA dit vouloir mettre en place des mesures transitoires pour les chômeurs les plus âgés. La N-VA envisage donc un système de chômage de trois ans maximum, selon la durée de la période de travail antérieure et où la dernière année (qui serait maximum une troisième année) serait constituée d’une allocation forfaitaire, donc non liée au salaire, comme c’est le cas aujourd’hui en fin de dégressivité (après maximum quatre ans). Il s’agirait donc à la fois d’accélérer la dégressivité et de limiter dans le temps les allocations de chômage.

La N-VA s’en prend ensuite au chômage sur la base des études, en pointant également que c’est une spécificité belge. La N-VA prône « un accompagnement intensif pour tout jeune diplômé qui ne trouve pas de travail ». Elle veut que tout jeune qui quitte les études secondaires sans diplôme soit automatiquement enregistré auprès du VDAB. Et que, au cas où ce dernier ne parvenait pas à le mettre à l’emploi, une aide sociale lui soit accordée, tout en maintenant une activation forte en vue de le mettre au travail. Il ne s’agirait donc plus d’une allocation de chômage puisque l’on parle d’aide sociale dont le montant dépend des ressources prises en compte, sans que le parti soit clair s’il s’agirait du revenu d’intégration (RI) ou d’une allocation d’aide sociale spécifique aux jeunes sortant des études. La N-VA réclame pour les régions la pleine autonomie en matière d’emploi. Elle se prononce pour un service communautaire obligatoire pour les chômeurs de longue durée en le présentant comme une étape dans leur parcours vers l’emploi. Elle veut aussi retirer aux organisations syndicales leur rôle d’organisme de paiement des allocations. Il est remarquable de noter que, comme par hasard, la N-VA ne dit rien des autres allocataires de l’ONEm, majoritairement flamands (interruption de carrière, congés thématiques), sauf pour le crédit temps qu’elle veut élargir aux pauses prises pour les soins aux enfants jusqu’à douze ans (au lieu de huit actuellement).

Toujours plus conditionnaliser

La N-VA présente l’emploi comme la meilleure protection contre la pauvreté, sans vraiment parler de salaires. Dans ce cadre, elle propose que les bénéficiaires du RI se voient imposer un parcours obligatoire, « sur mesure », comprenant un service communautaire. La N-VA considère qu’ils peuvent acquérir de cette manière une expérience professionnelle et prouver qu’ils peuvent satisfaire aux exigences d’employabilité. La N-VA veut aussi récompenser par des bonus financiers les CPAS qui « misent sur l’activation et l’intégration des bénéficiaires du revenu d’intégration ». Elle parle encore des sanctions en sous-entendant qu’elle propose de les renforcer. Pour les personnes ayant des problèmes d’addiction, elle envisage d’imposer, « en concertation avec un médecin, de suivre une cure détox comme condition supplémentaire au RI ». Par ailleurs, le parti veut « donner aux familles pauvres un coach familial au lieu d’une armée d’aidant.e.s »… Une triste vision du travail social…

CD&V : « Oui mais… », expression sournoise

Le programme du CD&V (4) plaide lui aussi pour une limitation dans le temps des allocations de chômage, précisément à trente-six mois ou à quarante-huit mois pour ceux qui ont travaillé pendant au moins vingt ans. Il met cependant à cet arrêt des conditions à remplir par le service régional de l’emploi : il doit être « établi que le demandeur d’emploi a bénéficié d’un accompagnement et d’un soutien suffisants de la part des services de l’emploi compétents. Le service de l’emploi doit en outre, au plus tard six mois avant la cessation éventuelle des allocations, faire une offre ultime d’une formation, d’une offre d’emploi appropriée ou d’une possibilité d’insertion dans l’économie sociale, si l’emploi sur le marché « régulier » du travail s’avère impossible ». Après ces trois (ou quatre) ans, le CD&V explique que « les demandeurs d’emploi de longue durée sont « transférés » aux régions, qui sont responsables de la poursuite de l’accompagnement et du suivi. Il appartient aux régions d’étoffer cette orientation. ». Étant donné que l’accompagnement est déjà de longue date une compétence des régions, on voit mal ce que cette proposition changerait, sinon qu’il s’agirait de mettre en place un accompagnement pour des sans-emploi qui ne seraient pour beaucoup plus indemnisés, le CD&V rappelant que les personnes qui perdent leurs allocations de chômage peuvent ensuite bénéficier d’un revenu d’intégration, si elles en remplissent les conditions d’octroi (qui ne sont pas les mêmes que celles du chômage). Le CD&V se prononce aussi pour une dégressivité renforcée et accélérée du montant des allocations, en prévoyant une exception pour les chômeurs qui suivent des formations menant à des métiers en pénurie. Enfin, il veut réformer le service communautaire flamand « pour en faire un instrument au niveau local, destiné aux demandeurs d’emploi qui ne trouvent pas immédiatement un nouvel emploi ». Le service communautaire actuel, mis en place par une ministre de ce parti, est un échec du point de vue même de ses promoteurs, car il n’est pratiquement pas utilisé. Mais au lieu de l’abandonner, le CD&V s’obstine. Le service communautaire est présenté comme un « stage » (c’est en l’assimilant à un stage qu’il a été mis en place sans décision législative spécifique) : « Par le biais de ce stage, nous leur offrons la possibilité d’acquérir des compétences et de maintenir un lien avec le monde du travail ».

Le VLD et de la N-VA veulent une « responsabilisation » des CPAS par rapport à leurs résultats en matière de mise à l’emploi.
Le VLD et de la N-VA veulent une « responsabilisation » des CPAS par rapport à leurs résultats en matière de mise à l’emploi.

Bisounours ou hypocrites ?

Le CD&V insiste pour que les bénéficiaires du RI puissent compter sur un accompagnement personnalisé vers l’emploi. Il compte pour cela, outre sur l’inscription au service régional de l’emploi, sur un recours accru au VDAB et à ses partenaires, ainsi qu’au PIIS, tous ces outils lui semblant sous-utilisés. Il dit vouloir « améliorer le fonctionnement du PIIS en encourageant financièrement les CPAS à impliquer des tiers pertinents tels que le VDAB, les CAW (5), les écoles… dans la préparation, l’orientation et/ou le suivi des bénéficiaires du revenu d’intégration dans le cadre de leur PIIS ». Le CD&V dit aussi vouloir (ce qui paraît contradictoire) réduire la charge administrative pesant sur les PIIS et veiller « à ce que les parties prenantes aient davantage leur mot à dire dans l’élaboration des PIIS, dans la rédaction des objectifs concrets à y inclure. Les objectifs doivent être tangibles et le bénéficiaire doit savoir clairement ce qui est attendu, par exemple par le biais d’une liste non exclusive d’objectifs suffisamment clairs et réalisables ». Malgré le ton utilisé qui semble un peu « bisounours », tout cela ne fait que traduire une volonté d’activation renforcée. Par ailleurs, le CD&V veut imposer aux demandeurs d’asile qui ne peuvent être immédiatement dirigés vers le marché du travail « une formation, un bénévolat ou une forme de service communautaire ».

VLD : prime aux mauvais salaires

Dans son programme (6), l’Open VLD s’en prend surtout au salaire de réservation qu’est l’allocation de chômage. Il présente cela en disant vouloir supprimer les pièges à l’emploi et faire en sorte qu’une situation d’allocataire ne soit jamais plus avantageuse que celle de travailleur. Pour y parvenir, le parti envisage la création « d’une base de données des allocations et avantages sociaux (au niveau fédéral, régional, provincial et local) pour cartographier les pièges du chômage et de l’inactivité. Les allocations sociales ne seront plus liées à un statut mais au niveau de revenu. À terme, nous créerons un crédit d’impôt lié au revenu, à l’instar du Earned Income Tax Credit américain. (7) Ce crédit d’impôt regroupera toutes les prestations sociales (à l’exception des allocations familiales) aux niveaux fédéral, régional et municipal ainsi que le bonus à l’emploi ». Il s’agit en fait d’une sorte de revenu de base (le crédit d’impôt en est une déclinaison) typiquement libérale, visant à privilégier les mauvais salaires plutôt que l’amélioration de ceux-ci que permettent des prestations fortes, le salaire devant être dans ce cas suffisamment plus attractif pour que la mise à l’emploi soit gagnante pour l’assuré social. Cette proposition n’empêche pas le parti de revendiquer que les allocations de chômage soient limitées à deux ans. L’Open VLD veut aussi mettre fin à la disponibilité adaptée (et donc activer les plus âgés aussi durement que les autres) et aplanir l’ancienneté barémique après 55 ans pour « éviter que les travailleurs plus âgés soient exclus du marché du travail ». Là aussi la solution libérale est donc de casser les salaires. Les libéraux flamands veulent encore renforcer la dégressivité en faisant diminuer l’allocation tous les trois mois.

Pressions aussi sur le(s) RI

L’Open VLD veut rendre les CPAS financièrement responsables de la sortie des bénéficiaires du RI vers le travail et les inciter à mettre davantage de bénéficiaires à l’emploi dans le secteur privé. Il souhaite qu’au sein d’une famille, le montant total des revenus d’intégration soient plafonnés à un « revenu digne ». Pour rappel, chaque adulte dans un ménage ouvre théoriquement un droit à un RI cohabitant, ce qui peut dans certains cas constituer un total assez important. L’Open VLD propose que, dans de tels cas, le montant total des allocations soit plafonné au niveau d’un « revenu décent » à l’aide de l’outil REDI. Celui-ci permet de comparer le revenu familial à des budgets de référence et, s’il est inférieur à ceux-ci, de compléter le revenu du ménage par une aide ponctuelle, actuellement prise en charge par le SPP Intégration sociale. (8) Cet outil est donc actuellement présenté comme devant servir à assurer un complément de revenu pour permettre de mener une « vie digne ». L’Open VLD veut le détourner pour, au contraire, limiter le revenu de certains ménages !

Vooruit : aggravation progressive des sanctions 

Vooruit (nom du parti depuis 2021) est l’ex parti socialiste flamand qui se voulait déjà « socialiste autrement » en 2001 (sp.a pour Socialistische Partij Anders). Ce changement de nom en 2001 marquait son adhésion à la « Troisième voie » prônée par Tony Blair, Premier ministre britannique de l’époque, et l’introduction en Belgique des réformes empreintes de l’État social actif. Celles-ci se caractérisent par la contractualisation du droit aux allocations et par l’activation des bénéficiaires. Elles ont toutes été implantées par des ministres de ce parti : le remplacement du droit au minimex par celui du « droit à l’intégration sociale » par Johan Vande Lanotte en 2002, l’activation du comportement de recherche d’emploi par Frank Vandenbroucke en 2004, le « pacte des générations » par Freya Vanden Bossche en 2006. C’est aussi une ministre de ce parti, Monica De Coninck, qui, dans le gouvernement dont Elio Di Rupo était Premier ministre, a porté les nombreuses mesures anti-chômeurs de l’époque.

C’est donc sans surprise que le programme actuel de Vooruit (9) comprend un chapitre titré « Nous contrôlons l’aptitude au travail ». Et, alors même que le VDAB, depuis la régionalisation, a largement abandonné la dispo dite active pour la dispo dite passive (10), Vooruit n’a pas l’air d’avoir tourné la page : « Le comportement de recherche des demandeurs d’emploi doit être sérieusement contrôlé. Lorsque les demandeurs d’emploi ne remplissent pas leurs obligations, nous sommes directement sur la balle. Le comportement de recherche des demandeurs d’emploi doit être évalué au moins tous les quatre mois. Une première évaluation négative est immédiatement suivie d’un premier avertissement. Pour chaque évaluation négative suivante, la sanction s’intensifie : 1 semaine, 2 semaines ou 4 semaines de perte d’allocations. Nous introduisons ainsi un système d’aggravation progressive des sanctions ». Cet attachement viscéral à la dispo active ne signifie cependant pas que Vooruit oublierait la dispo passive : « Les demandeurs d’emploi qui ne se présentent pas sans raison valable ou qui refusent manifestement d’accepter les invitations formelles répétées à un entretien sont immédiatement radiés, désinscrits comme demandeurs d’emploi et perdent leurs allocations de chômage ». Vooruit veut aussi durcir les dispenses de disponibilité en ne les accordant qu’aux chômeurs en formation voire, mais de façon très temporaire, aux demandeurs d’emploi ne pouvant pas travailler pour des raisons médicales, mentales, psychologiques psychiques ou psychiatriques qui bénéficient actuellement d’une dispense durable. Comme l’Open VLD, Vooruit veut activer les plus âgés, mais en mettant même la barre dès 50 ans.

Pas de « service communautaire », mais des « emplois de base »

On se souvient que, fidèle à ses prédécesseurs anti-chômeurs précités, Conner Rousseau, alors président du parti, avait fait une sortie remarquée à la veille du 1er Mai de 2023 avec son idée de « basisbanen » (11). Celle-ci figure évidemment au programme 2024 : « Les personnes qui n’ont pas trouvé d’emploi convenable après deux ans de recherche active d’emploi se verront proposer un emploi de base. Il s’agit d’un emploi à part entière adapté au demandeur d’emploi, avec un véritable contrat, un salaire complet et un accompagnement intensif, qualitatif et intégral. Un emploi de base répond à des besoins sociaux locaux (par exemple, soutien dans les écoles, les institutions de soins ou la garde d’enfants). Les emplois de base ne doivent pas remplacer les emplois existants. S’il n’y a pas d’emploi de base disponible pour un demandeur d’emploi, celui-ci conserve l’intégralité de son droit aux allocations de chômage. ». Évoquer des « salaires complets » est volontairement ambigu et ne signifie certainement pas un salaire payé selon les barèmes des secteurs existants. On peut plutôt augurer (mais ce n’est pas explicite) que les basisbanen relèveraient d’un statut spécifique et sous-payé, un peu dans le registre des mises à l’emploi imaginées par le ministre Dermagne pour ses « territoires de soutien aux demandeurs d’emplois de longue durée » sous cette législature. On s’en doute, Vooruit ne propose pas de créer 155.000 emplois publics bien payés pour résorber le chômage de longue durée (ce que nous ne pourrions que soutenir). Cette proposition est de facto un alignement sur l’idée de limiter le droit au chômage à deux ans, sauf acceptation d’une mise au travail au rabais.… En revanche, Vooruit « maintient son opposition au service communautaire obligatoire ». Notons enfin que le programme ne dit rien d’une suppression du statut cohabitant…

Prendre en compte les situations diverses

Le ton est assez différent quand il s’agit d’aide sociale et d’intégration sociale. Vooruit relève ainsi que les catégories actuelles du RI peuvent mettre en difficulté certains ménages : « Les catégories fixes de RI ne fournissent pas toujours un revenu digne. Aujourd’hui, nous constatons, par exemple, que ni le nombre d’enfants dans une famille, ni le montant du loyer ne sont pris en compte. » Pour remédier à cette inégalité, Vooruit mobilise le dispositif REDI, mais dans le sens apparemment inverse de l’Open VLD puisqu’il s’agirait non de plafonner le revenu des ménages qui reçoivent le plus mais plutôt d’augmenter celui de ceux qui reçoivent le moins. En « travaillant de manière uniforme avec REDI, nous veillons également à ce que les personnes en situation de pauvreté soient traitées de manière plus équitable ». Le recours à REDI semble avoir pris le pas sur l’ambition d’augmenter les allocations au-dessus du seuil de risque de pauvreté, mesure totalement absente du programme de Vooruit. Notons aussi que le parti précise « Nous maintenons une distance par rapport au salaire minimum, afin que le travail continue à être rémunéré ». Il formule en ce sens une série de propositions pour améliorer les salaires (d’un relèvement des salaires nets à l’assouplissement de la loi de 96).

Groen : plus rouge que Vooruit

Le programme de Groen (12) défend l’assurance chômage et le droit à l’aide sociale. Il refuse ainsi nettement diverses mesures voulues par la majorité des partis flamands : « Pas de dégressivité plus forte, pas de limitation dans le temps des allocations de chômage ou de service communautaire obligatoire. La pratique montre que cela ne réduit pas le chômage et que cela précipite les gens dans la pauvreté ». Groen met aussi en avant l’importance de « maintenir l’indexation automatique des allocations sociales et l’octroi intégral de l’enveloppe bien-être ». Groen veut automatiser autant que possible les droits et « relever toutes les prestations minimales au-dessus du seuil de pauvreté ». Le parti, comme les autres, clame néanmoins qu’il faut que « l’écart entre les allocations d’aide sociale et de Sécurité sociale d’une part, les salaires minimums d’autre part, reste suffisamment important pour que le travail soit rémunérateur », en proposant notamment pour y parvenir « d’augmenter immédiatement les salaires minimums pour qu’ils atteignent au moins 60 % du salaire médian ». Notons que le programme ne dit rien d’une suppression du statut cohabitant… Pour ce qui des CPAS, Groen dit vouloir « renforcer et mieux financer les CPAS », notamment en augmentant à 90 % la part du RI remboursée par le fédéral et en ne confiant pas de nouvelles tâches aux CPAS sans financement correspondant.

PVDA : clairement à gauche

Le PVDA-PTB étant un parti national unitaire, il a la particularité de présenter un programme unique aux électeurs francophones et néerlandophones. (13) Par ailleurs, ses positions sur la Sécurité sociale, sur le droit au chômage et sur le droit à l’aide sociale sont claires. Il refuse toute régionalisation, veut « arrêter les chasses aux chômeurs » et s’attaquer au chômage. Il s’oppose à la limitation dans le temps des allocations d’insertion (déjà instaurée) ainsi qu’aux projets de limitation dans le temps des allocations de chômage. Il est favorable à l’individualisation de toutes les allocations sociales ainsi qu’à leur relèvement au-dessus du seuil de pauvreté, etc. (Pour plus de détails sur ces positions, lire les réponses du parti à notre questionnaire, ici pour l’assurance chômage et ici pour l’aide sociale.)

Un glissement à droite du CD&V et de Vooruit

On le comprendra à la lecture de cette analyse des programmes, le CD&V et Vooruit se sont profilés nettement plus à droite en 2024 qu’en 2019, probablement dans la volonté de s’inscrire comme futurs partenaires de la N-VA dans des gouvernements, quitte à laisser Groen en dehors de la barque d’une future coalition fédérale. Une évolution qui semble profiter électoralement à la fois au Vlaams Belang et au PVDA…

(1) Vlaams Belang, « Vlaanderen Weer van Ons », Verkiezingsprogramma, 2024.

(2) Lire notre dossier « 155.000 chômeurs exclus en 2024 ? », Ensemble ! n°110, juillet 2023.

(3) N-VA, « Voor vlaamse welvaart », 2024.

(4) CD&V, « Kies zekerheid », 2024.

(5) Les CAW sont des services sociaux généralistes répartis en onze centres en Flandre et à Bruxelles.

(6) Open Vld, « Partijprogramma », 2024.

(7) L’Earned Income Tax Credit (EITC) est un crédit d’impôt destiné aux foyers ayant des revenus du travail modestes. Il est de plus essentiellement ciblé sur les foyers ayant des enfants à charge. Ne s’appliquant qu’aux foyers dans lesquels une personne travaille, il n’est pas universel. L’objectif est d’inciter les familles à bas revenus à occuper un emploi.

(8) Lire l’analyse critique de REDI par Bernadette Schaeck (aDAS) : « REDI – Rien à y REDIre ? », Ensemble ! n° 110, juillet 2023, p. 66.

(9) Vooruit !, « Verkiezingsprogramma », 2024.

(10) Lire à ce sujet Yves Martens, « A chaque région sa façon de chasser les chômeurs », Ensemble ! n° 102, juin 2020, p. 106 et Yves Martens, « Chômage?: comprendre les différences entre régions pour les sanctions », revue Politique, janvier 2018.

(11) Arnaud Lismond-Mertes, « Le 1er mai anti-chômeurs de Vooruit », Ensemble ! n° 1110, juillet 2023.

(12) Groen, « Verkiezingsprogramma », 2024.

(13) PTB-PVDA, « Programme national », 2024.

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