dossier élections 2024

Pour une assurance chômage forte

L’indemnisation du chômage est une protection essentielle pour les travailleurs et les travailleuses. Elle doit être défendue et reconstruite.

Depuis vingt ans, l’assurance chômage dont nous bénéficions en Belgique fait l’objet d’attaques incessantes de la part du patronat et des partis de droite. Elle a en partie été démolie par des coalitions gouvernementales fédérales également composées de partis qui se revendiquent de la gauche, à l’encontre de leurs programmes électoraux. Avec l’indexation automatique des salaires, c’est l’un des acquis sociaux les plus insupportables aux représentants des intérêts du capital. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’allouer des ressources à des personnes qui en sont privées plutôt que de gâter les actionnaires, bien sûr. Mais le nœud de cette volonté de démolir l’assurance chômage est plus profond. L’objectif fondamental est de fragiliser les personnes qui sont privées d’emploi pour les pousser à accepter de travailler dans les pires sous-statuts et les conditions les plus basses de rémunération et de flexibilité. Le projet de casser l’assurance chômage est avant tout un projet de casse des salaires et des conditions de travail.

16 années de démolitions, 4 années de pause

Une première attaque contre l’assurance chômage (chasseauxchomeurs.01) fut portée en 2004, sous le gouvernement Verhofstadt II (VLD-PS-MR-SP.A-Spirit) qui contractualisa l’octroi des allocations de chômage (en introduisant un « contrôle de la disponibilité active »). Appliquée progressivement par tranche d’âge, elle fut étendue à l’ensemble des chômeurs par les gouvernements successifs : Leterme (CD&V-MR-PS-Open VLD-cdH), puis Di Rupo (PS-CD&V-MR-SPA-VLD-cdH) et enfin Michel (CD&V-MR-N-VA-Open VLD). Un deuxième coup majeur à l’assurance chômage fut porté par le gouvernement formé en 2011 par Elio Di Rupo (chasseauxchomeurs.02). Au-delà de la régionalisation de la contractualisation des allocations de chômage, de la diminution de leur montant (dégressivité accrue) et de la suppression des prépensions, ce gouvernement a également limité à trois ans le bénéfice des allocations des personnes ayant ouvert leur droit sur la base des études et a rendu plus difficile l’accès à ces allocations. Enfin, le gouvernement Michel, qui vit le jour en 2014, a également apporté sa contribution à la démolition de la Sécurité sociale, notamment en étendant la contractualisation des allocations à l’ensemble des chômeurs et en durcissant encore les conditions d’accès. Le gouvernement Vivaldi d’Alexander De Croo (PS-CD&V-VLD-MR-Vooruit-Ecolo-Groen), qui a vu le jour en 2020, n’est revenu sur aucune des mesures précédentes de démolition de l’assurance chômage mais il n’a pas dégradé la situation.

2024, vers une chasse aux chômeurs 0.3 ?

Malgré ces coups portés, les rapports de force politiques et le poids du mouvement syndical en Belgique ont fait en sorte que l’octroi des allocations de chômage sans limitation dans le temps a été maintenu. Aujourd’hui, toute la droite est mobilisée pour obtenir l’introduction de cette limitation dans le temps après les élections de 2024 (1), ce qui pourrait conduire à l’exclusion d’environ 155.000 personnes du droit au chômage. La Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) prône pour sa part la régionalisation des allocations de chômage de longue durée, ce qui aurait vite fait de conduire à un résultat similaire. (Lire ici) Les premières questions que nous avons adressées aux partis portent donc sur leur attachement au caractère fédéral de l’organisation de l’assurance chômage et à l’absence de limitation dans le temps du droit aux allocations de chômage.

Reconstruire l’assurance chômage

Nous avons également demandé aux partis de se positionner par rapport à une série de mesures qui ont dégradé la situation des chômeurs et que nous avons traité dans nos pages : le sous-financement des organismes de placement syndicaux (2), la confusion de la mission d’accompagnement et de contrôle ainsi que l’informatisation à outrance de l’accompagnement des chômeurs au Forem (3), le développement de projets de mise à l’emploi des chômeurs dans des sous-statuts avec un salaire au rabais (« service communautaire », projet de loi « instaurant les territoires de soutien aux demandeurs d’emploi de longue durée »…). (4)

Enfin, une série questions interpellent les partis par rapport à des objectifs de reconstruction de l’assurance chômage : 1. Garantir des allocations de remplacement qui offrent une véritable « sécurité » aux bénéficiaires et donc supprimer leur contractualisation. 2. Garantir des allocations d’un montant suffisant (au minimum égal au seuil de pauvreté) et porter les allocations des cohabitant(e)s au niveau de celles des isolé(e)s. 3. Réaffirmer la vocation universelle de la Sécurité sociale : accès à tous les jeunes au sortir des études…

(1) Lire notre dossier « 155.000 chômeurs exclus en 2024 ? », Ensemble ! n°110, juillet 2023.

(2) « Menaces sur les organismes de paiement du chômage », Ensemble ! n°108, novembre 2022; Ensemble ! n°109, décembre 2022

(3) Ensemble ! n°103, octobre 2020 ; Ensemble ! n°104, décembre 2020 ; Ensemble ! n°105, septembre 2021

(4) « Des territoires zéro droits sociaux pour les sans-emploi », Ensemble ! n°111, novembre 2023.

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